Le Parcours du Combattant de la Guerre 1914-1918

20 juin 2013

Parmi les sites internet et autres blogs traitant de la Grande Guerre, Le Parcours du Combattant de la Guerre 1914-1918 a retenu notre attention. Nous avons interrogé son auteur sur ses méthodes de travail. Ses réponses montrent bien tout l’intérêt de la mise en ligne des sources.

Parcours du combattant

1) Qui est derrière Le Parcours du combattant de la Guerre 1914-1918 ?

Un simple professeur d’histoire en collège qui utilise ses temps de trajets et son temps libre pour faire des recherches ! J’ai travaillé de manière irrégulière sur le carnet de mon arrière-grand-père pendant un peu plus de 10 ans. Et puis en 2006, j’ai sauté le pas en m’inscrivant sur le forum Pages 14-18 pour poser une question. Le virus était pris. Ne connaissant pratiquement rien de précis sur la période, j’ai lu, beaucoup : discussions, livres, revues. J’étais un peu touche à tout, curieux d’en savoir toujours plus pour mieux comprendre la période. Et puis en 2010 m’est venue l’idée que je pouvais aller plus loin et partager ce que j’avais appris. L’idée du site a mis six mois à prendre forme, entre la structure, le contenu, les difficultés techniques (j’étais curieux d’avoir la main de A à Z sur le site, sur le fond et la forme, même si cela m’empêche d’avoir une mailing list ou un moteur de recherche interne). Surtout, il s’agissait de travailler sur des thèmes attirant ma curiosité : non l’histoire d’un seul homme, d’un régiment, d’une ville ou d’un secteur de bataille, mais un thème plus généraliste, me permettant d’aborder tout ce qui m’intéresse. Une histoire administrative qui repose sur les sources et non une compilation d’ouvrages, mais aussi l’étude d’images, des comptes rendus de lectures, de films… (voir ici l’entretien accordé au blog du 36e).

2) Vos analyses sont toujours passionnantes, fines et bien documentées : quelles sont vos sources ?

La grande majorité des sources utilisées sont accessibles librement sur le net sur des sites légaux : en premier Gallica, ensuite le SHD, Mémoire des Hommes, la BDIC, les bibliothèques municipales et les archives départementales ayant mis des sources en ligne. La page de liens de mon site est avant tout un outil pour mes propres recherches ! J’ai aussi écumé les archives départementales voisines de mon lieu de résidence et j’ai amassé pas mal de textes officiels et de cas qui pouvaient m’aider dans mes travaux. Finalement, plus ponctuellement, j’ai la chance d’être aidé par des particuliers, le plus souvent grâce au forum Pages 14-18, qui me font parvenir des documents que je n’ai pas à ma disposition (annuaires, illustrations…). Prochaine étape, le SHD. Mais de la province, c’est un peu une aventure !

Tout ce travail aurait été strictement impossible il y a dix ans, tout simplement parce qu’il repose sur les masses de sources récemment mises en ligne. Internet a été une vraie révolution pour la recherche. En donnant accès à autant de sources, il a permis à l’amateur de faire un bond quantitatif et qualitatif tout simplement inimaginable il y a encore peu de temps ! Quand en 2004 les petites annonces de revues spécialisées sur 14-18 voyaient des personnes demander des historiques ou des copies de JMO, désormais ce n’est plus une finalité mais un point de départ facilement accessible. Même chose pour la lecture des fiches matricules. La majorité des personnes qui travaillent sur ces combattants en partant d’une recherche généalogique ou d’un document font, sans toujours le savoir, un travail d’historien, enquêtant, recoupant les sources. J’essaie de montrer qu’il est possible d’aller plus loin qu’ils ne l’imaginent !

3) Au plan technique, pouvez-vous nous décrire brièvement les différentes étapes qui aboutissent à la publication d’un article ?

Je travaille de deux manières différentes suivant la rubrique (et donc la finalité) :

Dans « Pas à pas », il s’agit d’une présentation des étapes du parcours. Il s’agit donc d’un travail de recherche classique : j’accumule un maximum de sources et je compile, je synthétise, je construis un article le plus détaillé possible tout en restant le plus clair possible. Je mets un point d’honneur à indiquer toutes les sources, car c’est une manière de faciliter le travail des personnes qui voudraient s’y référer ou aller plus loin que ce que j’ai écrit. C’est aussi une manière de montrer que j’essaie de travailler avec le plus de rigueur possible.

Dans les autres rubriques, c’est au coup de cœur que je travaille. Je repère une photo-carte, une source et je me lance pour voir où cela me mènera. C’est un travail d’enquêteur : observer, décrire, déduire, expliquer. Souvent, je dois me contenter d’hypothèses, mais c’est aussi une manière de montrer toute la prudence avec laquelle on doit procéder. Tout l’intérêt étant de fouiller les sources pour ensuite trouver de quoi infirmer l’hypothèse ou, au contraire, la confirmer.

A l’issue du travail de recherche, j’écris un brouillon papier avant une mise en ligne qui a lieu parfois plusieurs semaines voire plusieurs mois plus tard, le temps de laisser reposer et de revoir le tout avec un œil neuf. La difficulté est de trouver du temps. La simple mise en ligne d’un article (mise en forme, lecture, relecture…), c’est déjà plus d’une heure. Quand j’ai commencé une analyse d’image, c’était une demi-journée de travail, mise en ligne comprise. Désormais, ce sont des heures voire plusieurs jours de recherches. Certains textes sont en attente de saisie depuis plus d’un an…

4) L’une de vos spécialités est de tirer le maximum d’informations d’une photo. Quels conseils pouvez-vous nous donner pour exploiter au mieux ce type de sources ?

Spécialité, non. Plaisir, oui. Une fois encore, j’ai pris goût à ces enquêtes en 2010 seulement, au moment où j’ai commencé à élaborer mon site. Mes connaissances étaient nulles en termes d’uniformologie par exemple. Depuis j’ai beaucoup appris car chacune des recherches m’a poussé à fouiller dans les sources (une fois encore ! ), à me documenter. Ce que je veux montrer, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’être un « spécialiste » !

Au point de vue méthode, c’est simple : 1 on observe, 2 on décrit, 3 on essaie d’expliquer, de comprendre ce que l’on voit. Une démarche de base en histoire. On cherche tout : une rangée d’arbres le long d’une route, c’est potentiellement un indice pour retrouver un lieu ; des bâtiments qui ont une forme particulière, une fontaine sont autant d’éléments qui m’ont permis de trouver des localisations alors que je pensais que je n’y arriverais pas. On essaie aussi de faire parler le texte s’il existe. Tout indice est à prendre pour obtenir un maximum de pistes. Car toutes ne sont pas exploitables : soit l’indice est trop ténu, soit il porte sur un détail impossible à faire parler, faute de sources ou de connaissances, soit les sources existent mais ne sont pas disponibles. De l’intérêt alors de faire appel à d’autres passionnés qui peuvent aider et permettre d’arriver à des résultats souvent inespérés.

Pour exploiter ce qui est visible, pour faire parler ces indices, il faut ensuite chercher dans d’autres sources. Il faut de la patience et surtout du temps. En utilisant les ressources en ligne des archives départementales, de Gallica, de Géoportail voire de sites de ventes comme Delcampe, le travail est grandement facilité, sans parler des fiches matricules en ligne. Je ne sais pas si les responsables des Archives se rendent compte que ces fonds mis à la disposition de tous sont un accès fantastique à la culture et à l’histoire pour tous. Le mot « service public » prend tout son sens.

Par contre, il faut aussi accepter qu’on ne réussisse pas à faire parler l’image à chaque fois. Dernier écueil à éviter : croire qu’il y a tout sur Internet. C’est une fantastique base de données et un lieu d’échanges extraordinaire, mais cela n’enlève en rien la nécessité de chercher, de recouper, de lire, de travailler.

2 commentaires

  • Charraud 20 juin 2013 à21:10

    Dommage qu’Arnaud ne parle pas aussi de son travail avec ses élèves, il est là aussi une référence.

  • Valérie 20 juin 2013 à21:55

    Les compétences d’Arnaud et Benoît, son comparse, dans le domaine de la pédagogie sur le thème de la Grande Guerre, sont effectivement de très grande qualité. Avis aux référents académiques !

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