Identifier des prisonniers de guerre sur une photo grâce aux archives du CICR
Archives , Sources figurées / 25 septembre 2016

Nous avons déjà consacré un article sur ce blog aux photographies de prisonniers de guerre français en Allemagne (Chtimis prisonniers de guerre : photos de groupe). Ces photographies me laissaient sur ma faim car le lieu et l’origine du groupe étaient connus, j’avais le sentiment de passer à côté de l’identification des hommes. Et puis, le hasard m’a donné un coup de pouce ! En effectuant des recherches dans les archives du Comité international de la Croix-Rouge sur un prisonnier de guerre breton dont je connaissais le nom, j’ai compris que je pouvais essayer de mettre « mes » photographies en regard des archives du CICR, pour les dater et identifier les soldats photographiés. J’expose ci-dessous ma démarche et les conclusions que j’ai tirées. J’ai plusieurs photographies de groupe de ce type, mais celle des prisonniers d’Avesnes-les-Aubert (Nord) est la plus nette et donc la plus exploitable. Le groupe est composé de douze soldats âgés qui appartiennent au 3e régiment d’infanterie territoriale et d’un homme provenant du 145e régiment d’infanterie. Ces soldats ont été capturés à Maubeuge au moment de la reddition de la place le 7 septembre 1914. Au centre, un prisonnier porte une pancarte sur laquelle est inscrit : « Les…

Un colloque autour de l’Afrique et de la Grande Guerre
Archives , Recherche / 28 août 2016

Les 12, 13 et 14 septembre se tiendra un colloque international consacré à l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne dans la Grande Guerre : patrimoine, commémoration, transmission. Fruit d’un partenariat entre les Archives nationales, l’université Paris I, l’UMR Sorbonne-SIRICE, l’Institut des mondes africains, l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, le Musée de la Grande Guerre à Meaux et l’Ossuaire de Douaumont, cette manifestation s’inscrit dans la continuité des sessions tenues à Rabat en novembre 2014 (Le Maghreb et l’Afrique subsaharienne dans la Grande guerre 1914-1918) et Tunis en mai 2015 (La mobilisation au Maghreb et en Afrique subsaharienne dans la Grande Guerre). La construction de la mémoire de la mobilisation des troupes d’Afrique et de l’implication du Maghreb actuel et de l’Afrique subsaharienne dans la guerre 1914-1918 est ici étudiée à travers le champ patrimonial (archives, musées, lieux de mémoire), de l’après-guerre à nos jours. Le 12 septembre, les Archives nationales accueillent la journée inaugurale sur le thème de « Faire mémoire ». Le lendemain, au musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux, les débats porteront sur la transmission. Enfin, le dernier jour sera consacré à la question de la commémoration à l’ossuaire de Douaumont. Ce colloque s’annonce prometteur…

José Garcia Calderón (1888-1916), un péruvien dans la guerre
Archives / 27 juin 2016

« Comme nous ne possédons rien, ou quasi rien, sauf l’existence, la propriété nous semble abolie ; et ce que nous désirons prendre, nous le prenons, sans que l’épithète de voleur nous empêche de dormir. » La Tranchée, 11 février 1916 En 2009, je publiais un article sur « les volontaires latino-américains dans l’armée française pendant la Première Guerre mondiale » dans la Revue historique des armées (n° 255/2009). Depuis, cet article m’a valu d’être contacté par des journalistes sud-américains, preuve que cette histoire intéresse également ces pays, bien que la Première Guerre mondiale apparaisse comme un épisode marginal dans l’histoire de l’Amérique latine au XXe siècle. Plusieurs centaines de Latino-Américains se sont engagés et ont combattu dans les armées européennes entre 1914 et 1919. Mes recherches m’ont permis de découvrir des destins hors du commun. Le péruvien José Garcia Calderón est l’un d’eux : cet artiste et  écrivain a laissé un témoignage étonnant sur la guerre. J’ai souhaité en savoir plus sur l’homme et son parcours militaire.Mes deux sources principales ont été la notice biographique détaillée écrite par Francis de Miomandre (1880-1959) dans l’Anthologie des écrivains morts à la guerre et le dossier de carrière d’officier de Caldéron. En effet, tous les volontaires…

Les historiques de corps de troupe
Archives , Sources imprimées / 2 juin 2016

Les historiques régimentaires figurent parmi les sources les plus connues pour qui s’intéresse aux combattants de la Première Guerre mondiale. Ces courtes monographies, publiées immédiatement après la guerre, offrent l’avantage d’être synthétiques et compréhensibles par tous. Cependant, pour exploiter au mieux ces sources imprimées, il est utile de comprendre les raisons et les modalités de constitution de cette importante collection après 1919. Les historiques régimentaires : une histoire ancienne. La tenue des historiques de corps de troupe est une pratique ancienne dans les armées, officialisée au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870-1871. L’objectif est de rappeler et de commémorer les faits passés dans les unités. L’enjeu est de taille : la rédaction des historiques doit contribuer à « raffermir et développer la valeur morale de l’armée« , à une époque où l’institution militaire est en pleine réorganisation. Y figurent tous les faits intéressant le corps : sa date de formation, sa composition, ses garnisons, son encadrement, ses campagnes, ses combats mémorables, etc. Des officiers spécialement affectés à cette tâche dans les corps sont dépêchés à Paris afin de mener des recherches dans les archives du ministère de Guerre. Ils sont tenus d’écrire « avec sincérité et simplicité ». Le ministère leur facilite l’accès aux archives et veille à…

Faik Tonguç : Souvenirs d’un officier ottoman (1914-1918)

Je n’avais jamais lu de carnets de guerre d’un combattant ottoman pendant la Première Guerre mondiale, faute de traduction française. Les éditions Petra viennent de  combler ce vide en publiant Souvenirs d’un officier ottoman (1914-1918) de Faik Tonguç. Longtemps oublié, ce récit, transcrit en alphabet turc moderne après la guerre par Tonguç, est publié une première fois en 1960. C’est un texte étonnant, qui propulse le lecteur dans l’armée ottomane du front méconnu du Caucase à la Russie du Nord, où Tonguç est prisonnier de guerre. L’auteur relate son épopée de son évasion jusqu’à son retour en Turquie. Préfacés par Jean-Pierre Mahé, membre de l’Institut, ces souvenirs ont été traduits par Bruno Elie, diplômé des Langues O’ en russe et en turc et passionné par l’histoire de la Première Guerre mondiale. Nous lui avons posé quelques questions au sujet de ce livre passionnant et de son travail de traduction. Qui est Faik Tonguç ? Faik Tonguç (1889-1968) nait à Çorum, sur le plateau anatolien, dans une famille qui a subi des revers de fortune. Il fait de bonnes études à Ankara puis entre à l’équivalent ottoman de l’Ecole Nationale d’Administration. A la fin de ses études, il passe deux ans en…

Un exemple de coopération interalliée dans le renseignement en 14-18
Archives , Recherche / 31 mars 2016

Ces derniers temps, on entend beaucoup parler d’une nécessaire collaboration entre pays et entre services dans le domaine du renseignement. Cela m’a rappelé un aspect abordé dans ma thèse soutenue en 2009, qu’il m’a paru intéressant de partager ici. Dans l’histoire du renseignement, l’année 1915 marque un tournant., avec la mise en place d’une centralisation des renseignements au niveau national mais également international. La création du bureau interallié de renseignements procède d’une volonté de coordination de l’action alliée nonobstant les divergences de vues et des objectifs différents. Ce bureau, qui vit au rythme des relations interalliées et particulièrement franco-britanniques, met à disposition des alliés une « bourse de renseignements ». 1915, une année interalliée Dès 1915, des militaires et des fonctionnaires civils français et britanniques militent pour une centralisation des activités de renseignements françaises et interalliées au ministère de la Guerre : Jean Tannery, chef de la section de contrôle télégraphique au ministère de la Guerre, le capitaine Ladoux chef du contre-espionnage au 2e bureau de l’état-major de l’armée ou encore le brigadier général Georges Kynaston Cockerill, director of special intelligence of War Office. Cependant, les autorités politiques et militaires alliées se méfient de ces initiatives, jusqu’à ce que la situation militaire…

Il n’y avait pas de Britanniques à Verdun…
Archives / 21 mars 2016

Dans l’excellente série Peaky Blinders diffusée sur Arte, je trouve que les traumatismes des anciens soldats issus des milieux populaires, les solidarités entre les combattants, la violence sociale exacerbée par la guerre, la montée des mouvements communistes en Grande-Bretagne (et l’obsession de Churchill de les détruire) sont bien montrés. Toutefois, dans le 2e épisode de la saison 2, j’ai été surpris d’entendre que des soldats britanniques avaient participé à Verdun. Pour résumer : dans une lettre à Churchill, le personnage principal de la série, Tom Shelby, chef de clan des Peaky Blinders, expose son passé d’ancien combattant et notamment sa participation aux batailles de la Somme… et de Verdun. Ensuite, on voit Churchill lire la lettre à ses collaborateurs et leur demander : qui a fait la Somme ? Les mains se lèvent. Qui a fait Verdun ? Les mains se lèvent aussi ! Or il n’y a jamais eu un seul régiment britannique déployé sur le front de Verdun pendant la guerre. Tout au plus quelques officiers de liaison britanniques, affectés dans des états-majors de grandes unités, ont peut-être parcouru ce secteur…mais pas plus. Cela en dit long sur la mémoire de la bataille de Verdun chez les Britanniques….

De l’intérêt pédagogique d’une correspondance familiale : Plateforme 14-18

3500 lettres et une centaine de photographies, échangées entre 1914 et 1918 par les huit membres d’une même famille et leurs amis, constituent le point de départ du travail mené par Pierrick Hervé, professeur au lycée Guist’Hau de Nantes et Marie-Christine Bonneau-Darmagnac, professeure au collège Jules Verne de Buxerolles. Cette dernière nous le présente. ** Le fonds d’archives de la famille Résal C’est grâce à un trésor de famille que Plateforme 14/18 existe. Jacques Résal, l’un des descendants, est dépositaire du fonds constitué de 3500 lettres et environ une centaine de photographies et nous a permis de l’utiliser pour le mettre à la disposition de la communauté éducative. C’est un vaste projet transmedia qui est né de cet ensemble documentaire avec tout d’abord la réalisation d’un film La cicatrice. Une famille dans la Grande Guerre par Laurent Véray, pour France 3, en 2013. Puis, l’édition de trois ouvrages co-signés Jacques Résal et Pierre Allorant : Lignes du front de l’Arrière. Correspondance du directeur du tramway de Bordeaux avec son fils artilleur, PU Bordeaux, 2015. La Grande Guerre à tire d’ailes. Correspondance de deux frères dans l’aviation. 1915-1918, Encrage, 2015. Femmes sur le pied de guerre. Chronique d’une famille bourgeoise. 1914-1918, Septentrion,…

Frederic Manning, Nous étions des hommes
Arts Littérature Cinéma / 12 janvier 2016

Nous étions des hommes (Her Privates We) se déroule dans la Somme en 1916, il y a près de cent ans. Frederic Manning, universitaire australien mort dans l’Entre-deux-guerres, décrit là sa propre expérience de la guerre de tranchées. Il a lui-même échappé aux tirs ennemis mais son personnage principal meurt à la fin du roman. Manning ne se soucie pas d’attacher le lecteur au destin de Bourne. Le récit chronologique compte moins que la réflexion métaphysique sur la vie et la mort… Mieux vaut pour les amateurs de suspense et d’aventures épiques se détourner du roman. Nous étions des hommes ne parle presque pas des Allemands. Il y a une situation militaire à peine esquissée au départ. Un régiment britannique combat un ennemi bien retranché, dans un paysage plus rural qu’urbain métamorphosé par les bombardements. Rien n’offre de résistance aux obus : pas plus les hommes que la nature et les constructions qui s’affaissent et dissimulent mal les combattants. Manning ne se donne même pas la peine de présenter une situation stratégique (ou même tactique) de départ pour stimuler l’intérêt. On ne sait pas en lisant vers quoi s’orientent cette poignée de soldats. Les antimilitaristes qui ont trouvé dans Les…

Le temps des ruines (1914-1921) : Emmanuelle Danchin répond à nos questions
Entretiens , Patrimoine , Recherche / 4 janvier 2016

On doit aux commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale une augmentation du nombre de publications consacrées à la Grande Guerre. Cependant, les publications traitant des conséquences matérielles de la guerre sur le paysage et le bâti sont rares, alors même que les destructions engendrées par le conflit ont été considérables. Chercheure-partenaire au SIRICE (Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe), UMR 8138, Emmanuelle Danchin a publié Le temps des ruines (1914-1921) aux Presses universitaires de Rennes en 2015. Nous lui avons posé quelques questions pour mieux connaître les matériaux qui ont nourri son beau travail historique. Ses réponses très fournies nous renseignent également sur le travail de documentation, d’évaluation, de sélection, d’analyse et de contextualisation des sources. Quelle distinction faites-vous entre « ruine » et « ruine de guerre » ? La « ruine » n’est pas une « ruine de guerre » et il faut opérer une distinction entre l’une et l’autre car les temporalités ne sont pas les mêmes et les représentations iconographiques qui en découlent non plus. La « ruine », en effet, procède de l’usure du temps, elle est le fruit de la lente désagrégation des matériaux. Elle témoigne d’un passé et fait référence à une temporalité, celle du temps long. Il s’agit d’une ruine ornementale, envahie…