Meilleurs voeux !

24 janvier 2012

Document : vœux du lieutenant-colonel Gourguen, chef du 2e bureau de l’état-major de l’armée, à son personnel le 31 décembre 1918.

Origine : Service historique de la Défense, archives rapatriées de Moscou, en cours de classement.

Les archives de l’état-major de l’armée, créé en 1890, sont aujourd’hui conservées au Service historique de la Défense. On les trouve principalement dans la volumineuse sous-série 7 N (1 659 cartons dont 1235 couvrent les années de guerre), mais également dans les archives rapatriées de Moscou (archives saisies pendant la Seconde Guerre mondiale par les Allemands puis détenues par les Soviétiques, avant la restitution à la France dans les années 1990-2000). Les archives des attachés militaires ou encore du 2e bureau demeurent mieux connues que celles des services courants.  Pourtant, ces dernières renferment des documents originaux qui dépeignent la vie quotidienne au sein des services, comme l’attestent ces vœux du lieutenant-colonel Gourguen.

A la date du 31 décembre 1918, il n’y a pas encore de traité de paix, mais les combats ont cessé et on ne meurt plus à la guerre à l’ouest. Une fois rédigée par le secrétariat du chef de bureau, cette note a été ventilée dans toutes les sections (plus d’une dizaine). Plusieurs centaines d’officiers, de sous-officiers, de militaires du rang et de civils (dames dactylographes, secrétaires, etc.) en ont eu connaissance. Le chef adresse des remerciements pour le travail accompli : aux officiers d’abord, pour leur « dévouement » et leur « intelligence avec lesquels ils le secondent » ; aux secrétaires et dactylographes militaires ensuite, qui œuvrent avec « soin » et « zèle » ; aux dames dactylographes remerciées pour le « concours précieux » qu’elles offrent à tous les services.  Enfin, le chef du bureau en profite pour souligner la bonne « besogne » accomplie par les plantons et les cyclistes, dont il loue la « discipline » et l’« exactitude ». En revanche, les sous-officiers, les rédacteurs civils (fonctionnaires) ou encore les bénévoles, nombreux au 2e bureau, ne figurent pas parmi les catégories distinguées, fortement mises à contribution.

Comme nombreux sont ceux qui attendent avec impatience la démobilisation, le lieutenant-colonel Gourguen entend également insister sur la nécessité pour tous de « poursuivre la tâche » en vue de la « victoire commune ».

Derrière son apparente banalité, ce document est un acte de commandement. Le chef ne donne aucun ordre, aucune consigne, aucune punition. Pourtant, en présentant ses vœux et en remerciant son personnel, il sanctionne positivement le travail de ses subordonnés.

L’exemplaire proposé ici est celui qui a été archivé à la section du service courant. En haut à droite, on lit la signature du commandant Clet, chef du service courant, qui en autorise ainsi la diffusion et l’archivage. C’est un original signé de la main du lieutenant-colonel Gourguen. Louis Armand Gourguen (1868-1950) est un saint-cyrien de la promotion Du Dahomey (1889-1891). Avant la guerre, il sert dans divers régiments d’infanterie. Parti en campagne en 1914, il est gravement blessé au combat à Barcy (Seine-et-Marne) le 6 septembre 1914. Après son évacuation et son hospitalisation, il est affecté dans divers états-majors avant de rejoindre les services de renseignements. Dans un premier temps, il dirige le service de renseignements d’Annemasse à la frontière suisse. Remarqué pour ses qualités dans la gestion du personnel mais aussi pour les résultats obtenus dans son service, il est appelé à Paris à une époque tourmentée de l’histoire du 2e bureau (affaire Mata Hari, Bolo Pacha, Ladoux, etc.). Il remplace le célèbre capitaine Ladoux à la tête de la section de renseignements en octobre 1917, avant d’être propulsé à la direction du 2e bureau, où il reste jusqu’en février 1919. Il est ensuite nommé attaché militaire en Suède et en Norvège. Il informe les autorités militaires françaises sur les événements en Russie et dans les provinces baltes et exerce une grande activité de propagande française dans la péninsule scandinave. Il quitte Stockholm en 1925 puis il est promu général de brigade, avant son passage dans la réserve. Ce spécialiste des questions russes, homme de compromis et de devoir, discret et créatif dans sa spécialité, est décédé à Annecy le 30 octobre 1950.

Bonne année 2012.

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