Les brigades russes dans les archives de la Guerre

24 mars 2013

Pendant la Première Guerre mondiale, quatre brigades russes sont intégrées dans l’armée française et combattent sur les fronts de l’Ouest et d’Orient. Cependant, après le déclenchement de la Révolution russe en 1917, ces soldats deviennent suspects aux yeux des Français, qui les retirent du front. Après la révolte et la répression du camp de La Courtine en septembre 1917, les contingents russes en France et à Salonique sont dispersés. Certains soldats continuent à se battre dans l’armée française (dans la division marocaine notamment) tandis que d’autres sont employés dans des compagnies de travailleurs à l’arrière ou en Afrique du Nord. De cette histoire, il reste encore de nombreuses traces qui sont présentées ci-dessous brièvement.

Avant de commencer ses recherches au Service historique de la Défense, le chercheur doit s’approprier le plan de classement des archives de la Guerre. Les archives militaires sont classées par producteur au sein de séries chronologiques (1). La série N, qui couvre la IIIe République, reflète l’organisation politique de l’Etat et de l’armée : le ministre de la Guerre et son cabinet, les conseils supérieurs, l’état-major de l’armée, les archives des unités (armée, corps d’armée, division, brigade, régiment, etc).

Le drapeau du 2e régiment de la 1ère brigade spéciale russe près des Champs-Élysées avant le défilé du 14 juillet 1916. On reconnaît au centre du drapeau le monogramme impérial "H II" pour Nicolas II. Le porte-drapeau du régiment   se nomme Vassili Sablitzeff. Collection Andreï Korliakov (France)

Le drapeau du 2e régiment de la 1re brigade spéciale russe près des Champs-Élysées avant le défilé du 14 juillet 1916. On reconnaît, au centre du drapeau, le monogramme impérial « H II » pour Nicolas II.
Le porte-drapeau du régiment se nomme Vassili Sablitzeff.
Collection Andreï Korliakov (France)

L’historien qui s’intéresse aux brigades russes en France (mais également en Algérie et à Salonique) pendant la Première Guerre mondiale trouvera, dans les institutions patrimoniales, des sources orales (témoignages des acteurs ou de leurs descendants) et des sources écrites. Par ailleurs, des archives privées et des objets sont toujours conservées dans les familles. Quelques lieux de mémoire rappellent également le souvenir de l’engagement des brigades russes sur le front de l’Ouest. Ainsi, la chapelle et le cimetière russes de Saint-Hilaire-le-Grand sont les plus connus des lieux de mémoire russe en France. A ce sujet, on trouvera ici un dossier sur le site Chemins de mémoire.

En France, des archives se rapportant aux brigades russes sont conservées aux Archives nationales, départementales, des Affaires étrangères et enfin de la Défense. A l’occasion de la saison culturelle France-Russie en 2010, l’ECPAD a exposé une partie de ses collections sur le sujet (dont on peut voir une présentation sur le site internet de l’établissement). A Vincennes, sur plus de 11 000 cartons d’archives qui composent les sous-séries 1 N à 20 N, 220 à 240 cartons contiennent des informations sur les brigades russes. Le chercheur ne peut pas se contenter des quelques ensembles de cartons cohérents (par exemple les archives de la base russe de Laval : 17 N 654 à 692) puisque de nombreux documents sont éparpillés, isolés et noyés parmi d’autres souvent sans rapport avec le sujet.

Les archives des brigades russes sont d’une grande variété, qui va de la lettre personnelle d’un soldat russe au télégramme diplomatique. Il est possible d’en dresser une typologie :

  • Des archives en langue russe, essentiellement journaux et correspondance, qui ne concernent pas exclusivement les brigades. On trouve aussi des journaux alliés (serbes, belges, italiens), publiés en France et à l’étranger entre 1914 et 1918.
  • Des archives opérationnelles, qui concernent l’administration et l’organisation militaire des troupes russes ainsi que les opérations (par exemple, 20 N 587 : les plans de défense de la 2e division d’infanterie russe sur le front d’Orient entre 1917 et 1918).
  • Des bulletins et rapports de renseignements se rapportant aux troupes russes en France. Ces archives variées concernent principalement le moral et les rapports des troupes russes avec la population. On y verra par exemple les rapports des préfets et rapports mensuels de la sûreté générale qui ont été transmis au ministère de la Guerre sur les révolutionnaires russes en France en 1917 et 1918 (16 N 1539).
  • Des archives politico-diplomatiques, provenant des échanges entre le ministère de la Guerre, le ministère des Affaires étrangères, la Russie puis l’Union soviétique. Par ailleurs, le chercheur peut profiter de dossiers politiques complets comme ceux destinés aux conseils des ministres et traitant notamment de l’envoi de troupes en France et de l’impression que produit en Russie la présence de ces troupes en France.
Un exemplaire du journal conservateur Novoye Vremya ("Le nouveau temps") du 17 février 1917. SHD

Un exemplaire du journal conservateur Novoye Vremya (« Le nouveau temps »)
17 février 1917. SHD

On trouvera une version plus détaillée de ce texte signée par Frédéric Guelton sur le site de la mission du Centenaire.

Frédéric Guelton / Michaël Bourlet

Note 1 : on entend par producteur toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui a produit, reçu et conservé des archives dans l’exercice de son activité.

2 commentaires

  • Cahen 27 octobre 2013 à17:23

    Madame, Monsieur,

    J’ai écrit un livre sur le sujet qui vous intéresse qui s’intitule « Le temps retrouvé du soldat Anissim Ilitch Otmakhov – France 1916 – 1920 » ISBN : 9782746656062. Ce soldat est mon grand-père maternel qui a passé quatre ans en France au sein de la troisième brigade (Marouchevsky), 6ème régiment (Simenov), compagnie E. Popov, puis compagnie de travailleurs 3/1 en Normandie et 7/11 en Franche-Comté. C’est dans cette dernière région qu’il a fréquenté ma grand-mère maternelle et que ma mère est née puis abandonnées à l’Assistance publique à Paris (Saint-Vincent de Paul) à l’âge de trois ans. Mon grand-père, qui était un moujik Tatar de Sibérie est rentré en Russie en 1920 où il aurait eu trois filles dont j’ai retrouvé les noms. Otmakhov a combattu à Aubérive et à Sapigneul autour de Reims. Puis il a parcouru toute la France notamment le camp de la Courtine, le Courneau, Oddo, etc. Le livre raconte l’épopée de mon grand-père, mais aussi celles du capitaine de la compagnie et de son camarade le plus proche.

    Vous pouvez voir ce livre paru en mars 2013 sur différent sites internet dont « Amazon » où il est également en version numérique (Kindle). Il est également en vente à la librairie russe « Les Éditeurs Réunis » à Paris. Je vous mets ci-après un lien où il y a plus ample renseignements sur mon récit qui peut vous intéresser. N’hésitez pas à me contacter.
    http://gilbert-cahen.pagesperso-orange.fr/KN_Prod/Soldat_russe-1.html
    Recevez, Madame Monsieur, mes salutations distinguées.
    Gilbert Cahen
    gilbert.cahen@wanadoo.fr

    • MB 31 octobre 2013 à22:56

      Bonsoir,
      Je ne connaissais pas cette publication, merci pour cette découverte.
      Bien à vous
      MB

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