La Grande Guerre racontée aux enfants de 1920 et de 2014

7 avril 2014

Couverture d'Astrapi Voilà quelques jours, à l’occasion d’une visite à la bibliothèque de quartier, mon regard a été attiré par le dernier numéro d’Astrapi : deux poilus dans une tranchée figuraient sur la première de couverture… Ce bimensuel français destiné à la jeunesse consacre quelques pages à la Première Guerre mondiale, sous la forme d’une bande dessinée intitulée « Le journal de Louis soldat de 1914-1918 ». Louis Delmas est un Français mobilisé en août 1914, qui participe à la Première Guerre mondiale du début jusqu’à la fin et qui relate son expérience de la guerre. Les contenus sont pédagogiques et la vision n’est pas manichéenne, ce qui mérite d’être souligné. On retrouve les thèmes de l’ennui (« La vie dans les tranchées, c’est attendre »), de la camaraderie, de l’expérience des combats, des relations des combattants avec l’arrière, des blessures de guerre et du retour difficile dans les foyers des soldats après la guerre.

J’ai contacté Bruno Muscat, chef de rubrique à la revue Astrapi et auteur de ce dossier, illustré par le dessinateur Alexandre Franc. Ils ont été conseillés par Jean-Pierre Verney. Louis Delmas est un personnage de fiction, mais son histoire est inspirée de récits de combattants, parmi lesquels ceux de Louis Barthas (Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918) et de l’aspirant Laby (Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées (28 juillet 1914 – 14 juillet 1919), ainsi que les lettres de Paroles de poilus. L’objectif du dossier était de faire « toucher du doigt à nos jeunes lecteurs ce qu’a pu endurer et ressentir un poilu lors de cette terrible guerre ».

20140322_144753Cette publication tranche avec ce que furent les premiers ouvrages de jeunesse portant sur la guerre. Ainsi, L’Histoire de la Grande Guerre par un Français, publiée chez Hatier en 1920 à l’attention d’un public scolaire est un ouvrage dense de 405 pages. De nombreuses illustrations (cartes, dessins, photographies) aident à la compréhension.

Caractéristique des manuels scolaires de l’Entre-deux-guerres, ce livre délivre un double message : se souvenir et s’inspirer du sacrifice des soldats pour la défense du pays. Ainsi, dans sa préface, l’académicien Jean Aicard met en garde les lecteurs, « enfants de France » : « écoutez-bien ceci ! C’est pour mettre en belle lumière tout le sens de cette leçon que fut écrit le présent ouvrage. Dans ce livre, voici l’enseignement qui domine les autres : pour maintenir nos cœurs à la hauteur où les a portés le sacrifice de nos chers soldats, il faut se souvenir« .

Les textes très factuels délivrent une histoire de la Première Guerre mondiale idéologique et manichéenne, où sont salués l’habilité et le bons sens des grands chefs militaires français et alliés, le courage et le sacrifice des soldats, la participation des alliés, emmenés par la France, dans la lutte contre un ennemi sans scrupule. Les auteurs font aussi la part belle aux armements et aux techniques.

20140322_145040

Trois rubriques concluent chaque chapitre :

  • « LECTURE » : souvent un récit anecdotique d’un fait exemplaire (histoire d’un régiment, exactions allemandes et résistances face à l’envahisseur, combats héroïques, etc) ainsi que des éditions de textes diplomatiques, des lettres de poilus, des témoignages et des biographies (principalement d’officiers généraux).
  • « COMPRÉHENSION » : à la fin de chaque chapitre, le lecteur doit être en mesure de répondre à une dizaine de questions qui portent sur les combats, les relations internationales, la politique, etc.
  • « RÉFLEXIONS » : des citations de grands auteurs français (Montaigne, Voltaire, etc.) ou de personnalités politiques, diplomatiques, militaires (Poincaré, Foch, Pershing, etc.), d’anciens combattants inconnus (dont on peut douter de l’authenticité) ainsi qu’un grand nombre de maximes. Elles donnent, en conclusion, une morale qui doit permettre aux jeunes générations de se souvenirs des sacrifices consentis par leurs parents et de se préparer, le cas échéant, à faire de même : « La lassitude morale brise les élans« , « Il faut croire à demain pour bien employer aujourd’hui« , « La ligne de bataille est l’image de la société humaine, dont tous les membres sont solidaires : si un seul manque à son devoir, la sécurité de tous est compromise« .

En 1920, cette Histoire de la Grande Guerre offre une vision mondiale du conflit, dans laquelle la France est au centre du récit. Ce livre entend ainsi montrer aux jeunes générations le rôle capital joué par la France dans la victoire, mais aussi dans « l’idéal de Paix » que représente le pays. Aujourd’hui, les publications destinées à la jeunesse ont bien changé sur le fond et dans la forme. Les rayons jeunesse des librairies proposent une pléthore d’ouvrages dont certains abordent avec talent et de pédagogie la vie des combattants dans les tranchées et la vie quotidienne des Français à l’arrière.

Voir à ce sujet :

La Première Guerre mondiale expliquée aux enfants et aux ados sur le site internet de Bayard

Les poilus racontés aux enfants (Le Monde, Samedi 15 mars 2014).

Pour les enfants : C’est pas sorcier « Guerre 14-18 »

Un commentaire

  • A. Philippe 3 juin 2014 à12:15

    Les différents ouvrages mentionnent ils l’existence de mutineries et de fusillés?
    On sait avec le recul du temps que le nombre de fusillés fut finalement assez faible, mais cette question est elle abordée par ces ouvrages ?
    Tout en sachant que ce sont des ouvrages pour enfant la réponse doit être négative ?

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.