La Guerre civile russe : Alexandre Jevakhoff répond à nos questions
Entretiens , Lectures / 6 février 2017

La Révolution russe est souvent présentée comme l’un des principaux jalons de l’histoire du XXe siècle. Au lendemain du coup d’état bolchevique en octobre 1917, la Russie se désintègre dans une guerre civile, qui dure de l’automne 1917 à l’été 1922. Cette guerre civile, qui ne saurait se réduire à l’affrontement des rouges et des blancs, provoque la destruction et la ruine de l’ancien empire des tsars. Les combats, les exactions, les pillages, les famines, les régimes de terreur, le froid, les maladies font plus de 10 millions de victimes. Jusqu’à présent, aucune synthèse n’avait été publiée en France sur cet épisode tragique de l’histoire russe. Historien et haut fonctionnaire, Alexandre Jevakhoff (Les Russes Blancs chez Tallandier et Le roman des Russes à Paris aux éditions du Rocher) publie cette première étude française à partir des archives russes notamment. Nous lui avons posé quelques questions afin de mieux connaître les matériaux qui ont nourri ce travail historique. Aujourd’hui, la guerre civile russe est méconnue en France. Qu’en est-il en Russie ? La guerre civile a toujours suscité un intérêt considérable en Russie, représentant en quelque sorte le geste fondateur de l’URSS, au moins jusqu’en 1945, quand le stalinisme et l’effet des années…

Faik Tonguç : Souvenirs d’un officier ottoman (1914-1918)

Je n’avais jamais lu de carnets de guerre d’un combattant ottoman pendant la Première Guerre mondiale, faute de traduction française. Les éditions Petra viennent de  combler ce vide en publiant Souvenirs d’un officier ottoman (1914-1918) de Faik Tonguç. Longtemps oublié, ce récit, transcrit en alphabet turc moderne après la guerre par Tonguç, est publié une première fois en 1960. C’est un texte étonnant, qui propulse le lecteur dans l’armée ottomane du front méconnu du Caucase à la Russie du Nord, où Tonguç est prisonnier de guerre. L’auteur relate son épopée de son évasion jusqu’à son retour en Turquie. Préfacés par Jean-Pierre Mahé, membre de l’Institut, ces souvenirs ont été traduits par Bruno Elie, diplômé des Langues O’ en russe et en turc et passionné par l’histoire de la Première Guerre mondiale. Nous lui avons posé quelques questions au sujet de ce livre passionnant et de son travail de traduction. Qui est Faik Tonguç ? Faik Tonguç (1889-1968) nait à Çorum, sur le plateau anatolien, dans une famille qui a subi des revers de fortune. Il fait de bonnes études à Ankara puis entre à l’équivalent ottoman de l’Ecole Nationale d’Administration. A la fin de ses études, il passe deux ans en…

La correspondance d’un cultivateur-soldat (1913-1919)
Archives , Recherche / 9 décembre 2013

La correspondance laissée par les soldats est une des sources les plus citées par les historiens de la Grande Guerre. Pourtant il est souvent difficile de la contextualiser. La correspondance du soldat Maurice Gastellier est intéressante à plus d’un titre. Son petit-fils, Joël Thierry, a retranscrit l’intégralité de cette correspondance, puis il l’a croisée avec les journaux des marches et opérations des 76e et 19e régiments d’infanterie, des 9e, 10e, 125e, 22e et 163e  divisions d’infanterie. De cette façon, il a reconstitué la vie de son aïeul au jour le jour. Né à Coulommiers, en Brie, le 20 décembre 1893, Maurice Gastellier, orphelin de père à 14 ans, est un jeune cultivateur au hameau du Theil (Seine-et-Marne). Il est incorporé  au 76e régiment d’infanterie (Clignancourt) en qualité d’engagé volontaire le 14 octobre 1913 puis il est affecté au 19e  régiment d’infanterie (Brest) le 1er mai 1916. Il est démobilisé le 11 avril 1919. Soldat de 2e classe de 1913 à 1919, il laisse au pays sa mère, Julia, veuve à 37 ans, son frère cadet René, un ouvrier Joseph et un cheval, Bijou, pour les travaux des champs. Il entretient avec les siens une correspondance régulière atteignant plus de 600 lettres. Maurice…

Les brigades russes dans les archives de la Guerre
Archives , Recherche / 24 mars 2013

Pendant la Première Guerre mondiale, quatre brigades russes sont intégrées dans l’armée française et combattent sur les fronts de l’Ouest et d’Orient. Cependant, après le déclenchement de la Révolution russe en 1917, ces soldats deviennent suspects aux yeux des Français, qui les retirent du front. Après la révolte et la répression du camp de La Courtine en septembre 1917, les contingents russes en France et à Salonique sont dispersés. Certains soldats continuent à se battre dans l’armée française (dans la division marocaine notamment) tandis que d’autres sont employés dans des compagnies de travailleurs à l’arrière ou en Afrique du Nord. De cette histoire, il reste encore de nombreuses traces qui sont présentées ci-dessous brièvement. Avant de commencer ses recherches au Service historique de la Défense, le chercheur doit s’approprier le plan de classement des archives de la Guerre. Les archives militaires sont classées par producteur au sein de séries chronologiques (1). La série N, qui couvre la IIIe République, reflète l’organisation politique de l’Etat et de l’armée : le ministre de la Guerre et son cabinet, les conseils supérieurs, l’état-major de l’armée, les archives des unités (armée, corps d’armée, division, brigade, régiment, etc). L’historien qui s’intéresse aux brigades russes en…

Le correspondant de guerre et le général
Archives / 5 février 2013

Document : Lettre de Ludovic Naudeau au général Gérald Pau (4 mars 1915). Origine : Fonds privé famille Pau. Les archives privées contribuent, au même titre que les archives publiques, à nourrir la recherche en histoire. Elles sont conservées tantôt par des personnes privées (familles, entreprises, associations, etc.) tantôt par des services d’archives publiques. Parmi ces archives privées, les archives personnelles, surtout celles qui ont été constituées par des personnalités historiques, tirent leur richesse de la diversité et de l’unicité des documents qu’elles recèlent. Ainsi des lettres inédites, des journaux intimes, des photographies, des films ou des objets apporteront souvent des éclairages nouveaux et permettront d’appréhender des réalités peu ou pas perceptibles dans les archives publiques comme l’histoire familiale, la vie quotidienne, les mœurs, les réseaux de sociabilité. Il reste encore beaucoup de ces documents dans les familles. Quand ils n’ont pas été vendus ou dispersés, on peut espérer en trouver en s’adressant aux descendants. Ces recherches, naguère difficiles et fastidieuses, sont aujourd’hui facilitées par internet. Je garde ainsi un excellent souvenir de ma rencontre et de mes échanges avec Jean Tannery alors que je préparais un article sur son père. Le document que je veux mettre en lumière aujourd’hui…

Des prisonniers de guerre russes dans le Cambrésis en 1915
Archives / 3 février 2012

Document : photographie d’un groupe de prisonniers russes dans un village du Nord de la France en 1915. Origine : collection particulière. La scène se passe à Saint-Aubert en 1915. Ce petit village du Cambrésis, à environ 15 kilomètres de Cambrai, est occupé par l’armée allemande à partir du 25 août 1914. Avec la stabilisation du front, la commune se retrouve à moins de trente kilomètres en arrière des lignes allemandes. L’originalité de ce document tient à la présence d’un groupe de prisonniers russes. Car si l’histoire des Russes dans l’est de la France est bien connue notamment grâce aux travaux de quelques historiens, en revanche elle n’a pas été étudiée pour le département du Nord. Ces hommes ont laissé peu de traces : les témoins ont disparu et les sources les concernant sont peu nombreuses, se résumant à de brèves allusions dans les souvenirs laissés par des civils. Les images sont rares. Il reste surtout de leur passage dans le Nord plusieurs centaines de tombes dans les cimetières militaires des environs. Pourquoi des Russes ont-ils séjourné dans le nord envahi près du front ? La condition des prisonniers de guerre est définie par les conventions de La Haye :…