Comment parler aujourd’hui de la guerre, de l’armée et de la Nation en 1914, sans risquer le contre-sens, l’erreur d’interprétation ou l’anachronisme ? En lisant certaines publications sur la Grande Guerre, on se rend compte que le manque de culture historique militaire amène des auteurs à tomber dans ces travers qui nuisent à la démonstration. La suspension de la conscription depuis 1996 a certainement contribué à la perte de cette culture militaire, même minimale, qu’offrait l’expérience du service militaire. Le passage par l’armée de conscription pouvait permettre de mieux comprendre le fait militaire. Certes à la fin du XXe siècle, la vie y était plus douce qu’au début du siècle, mais l’environnement, la vie de caserne, les ordres, les traditions, les règles de vie dans les chambrées, les rapports entre les individus et les catégories, les exercices, etc. étaient hérités en partie de l’armée de la Troisième République. Or cette mémoire tend à disparaître. Deuxième facteur d’explication, la méconnaissance de cette source technique qu’est le Dictionnaire militaire. Cette « Encyclopédie des sciences militaires rédigée par un comité d’officiers de toutes armes » est rarement référencée dans les bibliographies des travaux de recherches. J’ai souvent recours à cette somme grâce à laquelle j’ai…
Nous avons déjà évoqué sur ce blog les conseils de guerre des régions à travers l’exemple de Rennes (voir ici). La récente parution du livre du général André Bach, Justice militaire 1915-1916, nous permet d’approfondir notre connaissance de cette institution pendant la guerre. André Bach a été chef du Service historique de l’armée de terre. On lui doit notamment Fusillés pour l’exemple et L’armée de Dreyfus. Avec ce nouveau livre, l’auteur nous transporte au cœur de la machine judiciaire militaire française, dont il nous montre les évolutions pendant une partie de la guerre, y compris dans une dimension politico-militaire. Il soulève la question de la survie des institutions de la République, et plus largement du système démocratique, en temps de guerre. Justice militaire est un livre passionnant. On retrouvera l’interview qu’André Bach a accordé à Rémy Porte sur son blog Guerres et conflits. Pour notre blog, il a bien voulu répondre à quelques questions en lien avec les sources et partager sa conception du travail d’historien. ** L’informatique et internet ont transformé les méthodes de travail des historiens. Pouvez-vous nous en dire plus sur la base Access des condamnés à mort ? Peut-on envisager une mise en ligne de cet…
Réservistes de 1870, Pierre Georges Jeanniot, 1882, Paris, Musée de l’Armée L’histoire de l’armée est inséparable de celle de la Nation, écrivait Paul-Marie de La Gorce dans La République et son armée. Les registres matricules en sont une illustration. Comment et pourquoi ont-ils été constitués et comment sont-ils conservés et valorisés aujourd’hui ? Les collections des registres matricules commencent à partir de 1867. Les lois sur le recrutement de l’armée, depuis la loi Niel de 1868 jusqu’à la loi de 1905, ont imposé progressivement le service militaire aux jeunes Français. Le recrutement dans les armées débute par un recensement des jeunes hommes de 20 ans (la classe) effectué chaque année par les maires. Ces hommes sont ensuite convoqués devant le conseil de révision au chef-lieu de canton, où ils sont déclarés aptes ou inaptes au service. Cette décision est inscrite sur les listes de recrutement cantonal de la subdivision. On peut en visionner sur le site internet des archives municipales de Saint-Denis. Enfin, les bureaux du recrutement, installés dans les subdivisions de région, convoquent les conscrits afin des les immatriculer et de les inscrire sur le registre matricule avant l’incorporation. Les civils deviennent alors des militaires. Un site internet, Le parcours…
C’est une bonne nouvelle ! La Grande Illusion de Jean Renoir ressort en salle dans une version restaurée inédite. La Grande Illusion retrace l’histoire d’un groupe d’officiers français prisonniers de guerre en Allemagne. Dès sa sortie en France en 1937, ce fut un succès. Film humaniste et pacifiste, La Grande Illusion est aussi un film sur la diversité du corps des officiers en 1914 dont tous les archétypes sont ici représentés : Boëldieu, l’officier de carrière noble ; Maréchal, le lieutenant issu du peuple ; Rosenthal, le Juif ; un instituteur, un ingénieur du cadastre, etc. Redécouvrez ce chef d’œuvre de Jean Renoir dans les salles dès aujourd’hui. Marc Voinchet reviendra sur cet événement dans Les Matins de France Culture vendredi. Enfin, cette semaine, la Fabrique de l’histoire consacre un cycle d’émissions à l’histoire des relations de l’armée à la Nation.
Document : vœux du lieutenant-colonel Gourguen, chef du 2e bureau de l’état-major de l’armée, à son personnel le 31 décembre 1918. Origine : Service historique de la Défense, archives rapatriées de Moscou, en cours de classement. Les archives de l’état-major de l’armée, créé en 1890, sont aujourd’hui conservées au Service historique de la Défense. On les trouve principalement dans la volumineuse sous-série 7 N (1 659 cartons dont 1235 couvrent les années de guerre), mais également dans les archives rapatriées de Moscou (archives saisies pendant la Seconde Guerre mondiale par les Allemands puis détenues par les Soviétiques, avant la restitution à la France dans les années 1990-2000). Les archives des attachés militaires ou encore du 2e bureau demeurent mieux connues que celles des services courants. Pourtant, ces dernières renferment des documents originaux qui dépeignent la vie quotidienne au sein des services, comme l’attestent ces vœux du lieutenant-colonel Gourguen. A la date du 31 décembre 1918, il n’y a pas encore de traité de paix, mais les combats ont cessé et on ne meurt plus à la guerre à l’ouest. Une fois rédigée par le secrétariat du chef de bureau, cette note a été ventilée dans toutes les sections (plus d’une…