Orages d’acier, troisième épisode. Pourquoi Orages d’acier n’est-il pas à mettre dans toutes les mains, sans remise dans le contexte de la Grande guerre, mais aussi de l’après-1918 en Allemagne ? ____ La prudence s’impose. Ce témoignage a exercé – on vient d’en noter les ressorts – un magnétisme puissant dans une Allemagne déboussolée, après 1918. Orages d’acier pose les bases d’une société militarisée, presque sans classe, dynamique socialement, virile et impitoyable pour les faibles. Cette armée allemande décrite par Jünger reprend en le perfectionnant – révolution des transports et de l’industrie oblige – un modèle mis en place par un autre empereur : Napoléon Ier. Ce dernier a imaginé une Grande Armée auto-centrée et hermétique aux affaires civiles, une contre-société soudée par la camaraderie militaire : celle que l’on retrouve décrite par Conrad dans sa nouvelle Le Duel, portée à l’écran par Ridley Scott (Les duellistes). L’armée napoléonienne aux uniformes chatoyants et son va-et-vient continuel à travers toute l’Europe, a perfectionné le legs de glorieux précurseurs : celui de Louis XIV ou de Frédéric II de Prusse. L’Empereur français concentre ses forces sur une portion de territoire (le camp de Boulogne, par exemple), grâce à des prodiges de logistique…
Les vacances sont terminées et, pour la rentrée, nous laissons le clavier au géographe Bruno Judde de Larivière, qui partage ses impressions sur sa lecture d’Orages d’acier en trois épisodes dont voici le premier. Bruno Judde de Larivière a déjà publié sur ce blog un article à propos du livre de Frederic Manning, Nous étions des hommes. ____ Orages d’acier, premier épisode. Critiquer Orages d’acier près d’un siècle après sa parution… Critiquer Orages d’acier près d’un siècle après sa parution (en 1920) … relève d’une mission quasi impossible. Ernst Jünger n’a reçu que des félicitations toute sa vie : sur le front et par la plume. Pourquoi vais-je chercher la petite bête ? Je m’en expliquerai en conclusion et me lance gaiement dans la controverse. Mon propos s’organisera autour de la réponse à trois questions successives. Pourquoi Orages d’acier persiste à nous séduire, tant d’années après son écriture, et pourquoi il convient de ne pas en être dupe ? Que manque t-il à ce journal de bord extrêmement retravaillé pour pouvoir figurer au rang des ouvrages d’instruction (l’ingénuité de l’auteur ne suffit pas à taire ses oublis) ? Pourquoi ‘Orages d’acier’ n’est-il pas à mettre dans toutes les mains, sans…
Je n’avais jamais lu de carnets de guerre d’un combattant ottoman pendant la Première Guerre mondiale, faute de traduction française. Les éditions Petra viennent de combler ce vide en publiant Souvenirs d’un officier ottoman (1914-1918) de Faik Tonguç. Longtemps oublié, ce récit, transcrit en alphabet turc moderne après la guerre par Tonguç, est publié une première fois en 1960. C’est un texte étonnant, qui propulse le lecteur dans l’armée ottomane du front méconnu du Caucase à la Russie du Nord, où Tonguç est prisonnier de guerre. L’auteur relate son épopée de son évasion jusqu’à son retour en Turquie. Préfacés par Jean-Pierre Mahé, membre de l’Institut, ces souvenirs ont été traduits par Bruno Elie, diplômé des Langues O’ en russe et en turc et passionné par l’histoire de la Première Guerre mondiale. Nous lui avons posé quelques questions au sujet de ce livre passionnant et de son travail de traduction. Qui est Faik Tonguç ? Faik Tonguç (1889-1968) nait à Çorum, sur le plateau anatolien, dans une famille qui a subi des revers de fortune. Il fait de bonnes études à Ankara puis entre à l’équivalent ottoman de l’Ecole Nationale d’Administration. A la fin de ses études, il passe deux ans en…
Depuis le début de l’année, chaque semaine, les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan proposent de découvrir un officier de la Grande Guerre sur leur site internet à partir des fonds très riches du musée du Souvenir (des milliers d’objets, de tableaux et de documents d’archives). Les objets qui sont présentés, parce qu’ils ont appartenu à ces officiers, donnent également lieu à une description. Cette rubrique hebdomadaire ne se limite pas aux saint-cyriens. Le conservateur du musée, l’officier communication et moi-même, qui suis chef du département histoire et géographie, souhaitons évoquer l’histoire des officiers de l’armée française pendant la Première Guerre mondiale, quels qu’ils soient. La diversité des recrutements a toujours fait la richesse de ce corps (Saint-Cyriens, Polytechniciens, Saint-Maixentais, réservistes, territoriaux…). L’objectif de cette rubrique est avant tout pédagogique. Tous les élèves officiers en formation aux écoles peuvent ainsi approfondir l’histoire de la Première Guerre, celle du corps des officiers ou encore les traditions de l’armée française et son patrimoine. Les nombreux témoignages laissés par les officiers de la Grande Guerre sont aussi l’occasion de stimuler la réflexion des élèves officiers sur le sens de l’engagement, la décision, le commandement, la peur, le combat, les relations avec les subordonnés. Pour certains,…
Charles Delvert (1879-1940) est un des grands témoins de la Grande Guerre. Ce normalien, officier de réserve au 101e régiment d’infanterie, commande une section puis la 8e compagnie du régiment. Il s’illustre notamment dans les combats autour du fort de Vaux pendant la bataille de Verdun. Entre 1914 et 1916, il est blessé à quatre reprises, ce qui lui vaut d’être inapte au service armé. Il termine alors la guerre en qualité d’officier d’état-major à la 5e armée puis en Italie. Pendant la guerre, Delvert décrit sa guerre au jour le jour sur des carnets. Il en tire deux ouvrages : Histoire d’une compagnie, publié en 1918, et Carnets d’un fantassin, en 1935. Dans un style épuré, il relate sa vie au front et en convalescence pendant la guerre. On découvre un officier proche de ses hommes et humain dans son commandement. D’ailleurs, les Carnets sont dédicacés à ses hommes de la 8e compagnie. Aujourd’hui, les archives de Charles Delvert sont conservées par la famille. Elles sont d’une grande richesse et se composent notamment de manuscrits, de photographies et des carnets originaux. Sa correspondance d’après-guerre montre qu’il a entretenu des relations avec les soldats de sa compagnie mais aussi avec…
Officier de cavalerie britannique, Edward Louis Spears (1886-1974) rejoint la France à la fin du mois de juillet 1914. Il est affecté au ministère de la Guerre français au moment où l’Europe s’embrase. Après l’entrée en guerre de son pays, il devient officier de liaison entre l’armée britannique et l’armée française et sert notamment à l’état-major de la 5e armée française. Dès le début de la guerre, il est un observateur privilégié, à la charnière du politique et du militaire. En liaison 1914, publié en 1932 et préfacé par Winston Churchill, est un récit qui repose sur ce qu’il a vu, mais aussi sur des témoignages de « témoins oculaires » et sur des documents. Il a beaucoup consulté les archives britanniques et françaises. Ainsi, ce livre est à la fois un témoignage, un essai et une étude historique. Pour illustrer son propos, l’auteur a inséré des cartes et un certains nombres de documents officiels édités tels que des ordres ou encore des notes. L’intérêt du livre de Spears est d’offrir un point de vue britannique sur les premières semaines de guerre en France. Le lecteur accompagne le narrateur au sein d’un état-major d’une grande unité française fortement malmenée pendant la guerre…
Enfant, après avoir vu le film d’Yves Robert de 1962, j’ai lu avec plaisir La guerre des boutons et je me suis ensuite intéressé au destin de son auteur, Louis Pergaud, instituteur devenu écrivain, né à Belmont (Doubs) le 22 janvier 1882. Après la parution de Goupil à Margot, son recueil de nouvelles animalières couronné par les Goncourt en 1910, Pergaud devient célèbre et publie encore La Revanche du Corbeau, Le roman de Miraut, diffusé en feuilleton dans L’Humanité, et La Guerre des boutons. En 1914, La vie des bêtes paraît dans L’Homme libre de Clemenceau. Pergaud est un écrivain engagé, patriote, républicain et pacifiste. Quand la guerre est déclarée, il est mobilisé au 166e régiment d’infanterie de Verdun, où il est sous-officier. En mars 1915, il est promu sous-lieutenant et il commande la 1re section de la 2e compagnie du 166e RI quand le régiment est chargé de prendre la cote 233 près du village de Marcheville-en-Woëvre dans la Meuse. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1915, il disparaît à jamais, englouti dans la boue de la Woëvre. J’ai découvert Carnet de guerre récemment. Si des fragments ont été publiés en 1938 (Mélanges, Paris, Mercure de France,…