Les sources sont au cœur de La Moustache du soldat inconnu, l’enquête de Jérôme Prieur publiée aux éditions du Seuil en septembre. A travers ce récit, on mesure la fascination de l’auteur pour les correspondances et les témoignages laissés par les combattants de la Grande Guerre, comme il l’explique dans cet épisode de La Fabrique de l’histoire (Quand le conflit n’en finit pas. Ou l’obsession de la guerre). Pourquoi Jérôme Prieur publie-t-il « ses souvenirs de la guerre de 14 » aujourd’hui ? Il a accepté de me répondre. Comme je l’évoque dans mon livre, j’ai commencé à vouloir écrire une sorte de vie quotidienne des poilus vers l’âge de dix ans puis le projet a – heureusement – bifurqué, mais il ne m’a jamais lâché. Comme s’il était plus fort que moi. J’ai continué ainsi pendant des années, tout au long des grandes étapes de ma vie d’adolescent puis d’adulte, à lire des récits de combattants, des correspondances, à me documenter, en quelque sorte à ramasser sur le champ de bataille, bien après les faits, évidemment, des traces, des échos de cette guerre terrible : ce que j’ai appelé « mes souvenirs de la guerre de 14 ». J’accumulais des notes, je collectionnais…
Les vacances sont terminées et, pour la rentrée, nous laissons le clavier au géographe Bruno Judde de Larivière, qui partage ses impressions sur sa lecture d’Orages d’acier en trois épisodes dont voici le premier. Bruno Judde de Larivière a déjà publié sur ce blog un article à propos du livre de Frederic Manning, Nous étions des hommes. ____ Orages d’acier, premier épisode. Critiquer Orages d’acier près d’un siècle après sa parution… Critiquer Orages d’acier près d’un siècle après sa parution (en 1920) … relève d’une mission quasi impossible. Ernst Jünger n’a reçu que des félicitations toute sa vie : sur le front et par la plume. Pourquoi vais-je chercher la petite bête ? Je m’en expliquerai en conclusion et me lance gaiement dans la controverse. Mon propos s’organisera autour de la réponse à trois questions successives. Pourquoi Orages d’acier persiste à nous séduire, tant d’années après son écriture, et pourquoi il convient de ne pas en être dupe ? Que manque t-il à ce journal de bord extrêmement retravaillé pour pouvoir figurer au rang des ouvrages d’instruction (l’ingénuité de l’auteur ne suffit pas à taire ses oublis) ? Pourquoi ‘Orages d’acier’ n’est-il pas à mettre dans toutes les mains, sans…
Je n’avais jamais lu de carnets de guerre d’un combattant ottoman pendant la Première Guerre mondiale, faute de traduction française. Les éditions Petra viennent de combler ce vide en publiant Souvenirs d’un officier ottoman (1914-1918) de Faik Tonguç. Longtemps oublié, ce récit, transcrit en alphabet turc moderne après la guerre par Tonguç, est publié une première fois en 1960. C’est un texte étonnant, qui propulse le lecteur dans l’armée ottomane du front méconnu du Caucase à la Russie du Nord, où Tonguç est prisonnier de guerre. L’auteur relate son épopée de son évasion jusqu’à son retour en Turquie. Préfacés par Jean-Pierre Mahé, membre de l’Institut, ces souvenirs ont été traduits par Bruno Elie, diplômé des Langues O’ en russe et en turc et passionné par l’histoire de la Première Guerre mondiale. Nous lui avons posé quelques questions au sujet de ce livre passionnant et de son travail de traduction. Qui est Faik Tonguç ? Faik Tonguç (1889-1968) nait à Çorum, sur le plateau anatolien, dans une famille qui a subi des revers de fortune. Il fait de bonnes études à Ankara puis entre à l’équivalent ottoman de l’Ecole Nationale d’Administration. A la fin de ses études, il passe deux ans en…
Hommes en guerre (Menschen im Krieg) fait partie de ces rares œuvres littéraires pacifistes rédigées par un combattant de la Grande Guerre alors que celle-ci n’était pas encore terminée. Publié sous couvert de l’anonymat à Zürich en 1917, il est très rapidement traduit en plusieurs langues mais interdit dans les pays belligérants. C’est en effet un livre rédigé pour dénoncer la guerre, ce que l’auteur y a vu et subi. Ce livre moins connu qu’A l’Ouest, rien de nouveau d’Erich-Maria Remarque ou Quatre de l’infanterie d’Ernst Johannsen, pour ne citer que des romans en langue allemande, est cependant un pamphlet d’une très grande force car il est structuré en six nouvelles. Mais ce qui en fait une particularité littéraire pour le lecteur français, c’est qu’il est rédigé dans un style expressionniste auquel nous n’avons pas été habitués dans notre pays. La littérature de Latzko, au même titre que la poésie dada, ou l’expressionnisme allemand en peinture et dans le cinéma, est le fruit du traumatisme de la guerre en Europe, et particulièrement en Europe centrale. C’est pourquoi je voudrais évoquer l’auteur avant son œuvre. Andreas Latzko est un écrivain et journaliste hongrois, né à Budapest en 1876. Volontaire d’un an…
Charles Delvert (1879-1940) est un des grands témoins de la Grande Guerre. Ce normalien, officier de réserve au 101e régiment d’infanterie, commande une section puis la 8e compagnie du régiment. Il s’illustre notamment dans les combats autour du fort de Vaux pendant la bataille de Verdun. Entre 1914 et 1916, il est blessé à quatre reprises, ce qui lui vaut d’être inapte au service armé. Il termine alors la guerre en qualité d’officier d’état-major à la 5e armée puis en Italie. Pendant la guerre, Delvert décrit sa guerre au jour le jour sur des carnets. Il en tire deux ouvrages : Histoire d’une compagnie, publié en 1918, et Carnets d’un fantassin, en 1935. Dans un style épuré, il relate sa vie au front et en convalescence pendant la guerre. On découvre un officier proche de ses hommes et humain dans son commandement. D’ailleurs, les Carnets sont dédicacés à ses hommes de la 8e compagnie. Aujourd’hui, les archives de Charles Delvert sont conservées par la famille. Elles sont d’une grande richesse et se composent notamment de manuscrits, de photographies et des carnets originaux. Sa correspondance d’après-guerre montre qu’il a entretenu des relations avec les soldats de sa compagnie mais aussi avec…
La Société Radio-Canada produit un documentaire radiophonique sur la Première Guerre mondiale, qui repose évidemment sur des archives, surtout canadiennes, mais aussi sur des témoignages. Aussi les producteurs recherchent-ils des personnes qui pourraient, de façon très personnelle, témoigner de ce qu’elles ont fait ou font encore pour commémorer la mémoire des soldats canadiens qui ont combattu en France et en Belgique pendant la Grande Guerre (fleurissement de la tombe d’un soldat canadien, visite d’un cimetière, correspondances, recherches, etc.). Le témoignage se ferait sous la forme d’une courte entrevue téléphonique en français. Les personnes intéressées peuvent contacter Lise Maynard à cette adresse : lise.maynard@radio-canada.ca Cet appel est l’occasion de présenter quelques ressources intéressantes sur le Canada dans la Grande Guerre. Cette courte liste n’est pas exhaustive : Une fiche consacrée au Canada pendant la Première Guerre mondiale est disponible sur le site internet du CRID : Le Canada pendant la Première Guerre mondiale. L’émergence d’une nation sur la scène internationale par Carl Pépin. Docteur en histoire de l’université Laval (Quebec, Canada), Carl Pépin est historien à l’Institut Historica-Dominion (Toronto-Canada). Son PhD (soutenu en 2008) portait sur les Relations franco-québécoises pendant la Grande Guerre. Il est aussi l’animateur d’un blogue sur l’histoire…
J’ai récemment découvert le livre d’Ernst Johannsen, Quatre de l’infanterie. Je connaissais le film de guerre allemand directement inspiré du roman : Westfront 1918, réalisé par Georg Wilhelm Pabst en 1930, est connu en France sous le titre Quatre de l’infanterie. Il y a quelques années, il a été diffusé dans l’émission le Cinéma de minuit sur FR3, à l’occasion d’un cycle Première Guerre mondiale. Pabst a réalisé une œuvre cinématographique proche du documentaire. Pendant plus d’une heure trente, le spectateur suit le quotidien de quatre soldats allemands sur le front de l’ouest en 1918. Les bruits de la guerre (bombardements, explosions, coups de feu, cris) remplacent une musique quasiment absente et couvrent des dialogues rares et courts (voir ici un extrait du film Quatre de l’infanterie). Ce film pacifiste est, à mon avis, l’un des meilleurs films consacrés à la Grande Guerre. La découverte récente du roman m’a amené à m’intéresser au mystérieux Ernst Johannsen et à ses traducteurs. Le livre est très bien présenté par Arnaud Carrobi sur son blog Le parcours du combattant de la guerre 1914-1918. La version française du roman a été publiée aux Editions de l’Epi à Paris en 1929 et la traduction est…
Enfant, après avoir vu le film d’Yves Robert de 1962, j’ai lu avec plaisir La guerre des boutons et je me suis ensuite intéressé au destin de son auteur, Louis Pergaud, instituteur devenu écrivain, né à Belmont (Doubs) le 22 janvier 1882. Après la parution de Goupil à Margot, son recueil de nouvelles animalières couronné par les Goncourt en 1910, Pergaud devient célèbre et publie encore La Revanche du Corbeau, Le roman de Miraut, diffusé en feuilleton dans L’Humanité, et La Guerre des boutons. En 1914, La vie des bêtes paraît dans L’Homme libre de Clemenceau. Pergaud est un écrivain engagé, patriote, républicain et pacifiste. Quand la guerre est déclarée, il est mobilisé au 166e régiment d’infanterie de Verdun, où il est sous-officier. En mars 1915, il est promu sous-lieutenant et il commande la 1re section de la 2e compagnie du 166e RI quand le régiment est chargé de prendre la cote 233 près du village de Marcheville-en-Woëvre dans la Meuse. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1915, il disparaît à jamais, englouti dans la boue de la Woëvre. J’ai découvert Carnet de guerre récemment. Si des fragments ont été publiés en 1938 (Mélanges, Paris, Mercure de France,…
Le mardi 14 février, une table ronde portant sur l’occupation allemande en France pendant la Grande Guerre sera organisée à l’Institut historique allemand à Paris. Autour d’Emmanuel Debruyne de l’université de Louvain, modérateur, seront réunis Annette Becker (Université de Paris Ouest Nanterre la Défense), Larissa Wegner (université de Freiburg) et Philippe Nivet (Université de Picardie Jules Vernes). En octobre 2011, Philippe Nivet a publié La France occupée, 1914-1918, fondant son travail sur le dépouillement de nombreux journaux intimes, de témoignages publiés, d’articles de presse, d’enquêtes, notamment celles réalisées auprès des instituteurs et conservées à la BDIC, de comptes rendus de procès et d’interrogatoires, etc. L’entrée est libre mais il est recommandé de s’inscrire à l’adresse suivante c.fontaine@historial.org.
La Bibliothèque de documentation internationale contemporaine met Blaise Cendrars à l’honneur à l’occasion du 50e anniversaire de sa disparition et de l’acquisition de l’édition originale de J’ai tué. C’est l’occasion de revenir sur le parcours de l’écrivain d’origine suisse qui s’est engagé dans l’armée française comme volontaire étranger dès 1914 et a été amputé du bras droit en septembre 1915. Il a laissé deux témoignages de son expérience de guerre : J’ai tué (1918) et La Main coupée (1946). En partant de l’expérience et des écrits de Cendrars, la BDIC a réalisé, outre une bibliographie thématique sélective, plusieurs dossiers très intéressants sur Cendrars et la presse illustrée, La blessure et la mutilation des combattants dans les affiches françaises, L’artisanat de tranchée : « Je tiens le filon », Cendrars et le cinéma. C’est aussi l’occasion de mieux connaître la BDIC, cette bibliothèque créée en 1917 pour collecter le patrimoine de la Première Guerre mondiale et favoriser la connaissance historique. Un dossier consacré à la littérature combattante (J’ai tué de Blaise Cendrars et le fonds des récits de guerre à la BDIC) me permet d’évoquer l’intérêt de comprendre les modes de constitution et de classement des collections d’une bibliothèque. Deux exemples : – …