Quatre lettres inédites de Jean-Norton Cru à Charles Delvert

23 octobre 2013

Charles Delvert (1879-1940) est un des grands témoins de la Grande Guerre. Ce normalien, officier de réserve au 101e régiment d’infanterie, commande une section puis la 8e compagnie du régiment. Il s’illustre notamment dans les combats autour du fort de Vaux pendant la bataille de Verdun. Entre 1914 et 1916, il est blessé à quatre reprises, ce qui lui vaut d’être inapte au service armé. Il termine alors la guerre en qualité d’officier d’état-major à la 5e armée puis en Italie.

Pendant la guerre, Delvert décrit sa guerre au jour le jour sur des carnets. Il en tire deux ouvrages : Histoire d’une compagnie, publié en 1918, et Carnets d’un fantassin, en 1935. Dans un style épuré, il relate sa vie au front et en convalescence pendant la guerre. On découvre un officier proche de ses hommes et humain dans son commandement. D’ailleurs, les Carnets sont dédicacés à ses hommes de la 8e compagnie. Aujourd’hui, les archives de Charles Delvert sont conservées par la famille. Elles sont d’une grande richesse et se composent notamment de manuscrits, de photographies et des carnets originaux. Sa correspondance d’après-guerre montre qu’il a entretenu des relations avec les soldats de sa compagnie mais aussi avec des hommes politiques, des militaires de haut rang et des intellectuels français et étrangers. Jean-Norton Cru faisait partie de ses correspondants.

Les descendants de Charles Delvert nous ont autorisés à publier quatre lettres inédites qu’il a reçues de Jean-Norton Cru au moment où ce dernier se lançait dans l’écriture d’un « livre sur les livres de guerre« , qui n’est autre que Témoins. Ces lettres sont présentées en intégralité ci-dessous dans quatre diaporamas. Mais voici d’abord quelques points qu’il nous a semblé intéressant de souligner :

  • Il explique longuement que sa principale motivation est de fournir des matériaux aux « historiens de l’avenir ». « Je ne veux ni écrire l’histoire, ni même faire la critique des textes (..). Mais il est une critique qui deviendra tout à fait impossible quand notre génération aura passé : c’est la critique qui demande cette connaissance de la guerre que seuls ceux qui l’ont faite, vécue et méditée dans l’angoisse, peuvent avoir« .
  • Il expose aussi sa méthode de travail, qui a consisté à lire des souvenirs de soldats de l’Empire (comme ceux de Marbot ou Coignet), dans le but de les comparer avec les 250 carnets, souvenirs, témoignages et romans laissés par des combattants de la Grande Guerre et qu’il a tous lus. Il a travaillé sur des cartes, il a vérifié et croisé tous les témoignages. Dans chacune de ses lettres, Jean-Norton Cru fait état de l’avancement de ses travaux et exprime ses craintes (ne pas avoir le temps de terminer, ne pas pouvoir publier, ne pas être diffusé, etc.). Il pousse aussi Delvert à publier ses carnets en raison de la valeur de son témoignage. Il lui demande de diffuser la nouvelle de la publication de Témoins en France, ce que fait Charles Delvert dans la Revue des Deux Mondes en 1929 (voir ici).
  • Il se confie peu à peu à Charles Delvert. Par exemple, il fait part de ses doutes au sujet de la véracité de certains écrits, doutes aujourd’hui confirmés par des sources inconnues de Jean-Norton Cru à l’époque, à l’instar des fiches matricules. A travers ces lettres, on voit aussi que Jean-Norton Cru s’intéresse presque exclusivement aux témoignages des diplômés, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
  • Enfin, il décrit sa vie quotidienne de chercheur et de professeur aux États-Unis et fait part de ses observations sur ce pays.
Conseils pour visionner les lettres : cliquer sur le diaporama puis sur « afficher l’image » (clic droit) pour agrandir ou réduire en appuyant sur les touches ctrl+ ou ctrl-.

 Lettre du 22 février 1925

 « Votre livre présentera aux générations futures une image fidèle de cette guerre, image ni flattée, ni poussée au noir, deux défauts aussi dangereux l’un que l’autre, car le fanatisme militaire et le fanatisme pacifiste se renforcent l’un l’autre« 

 Lettre du 24 juin 1926

 « Je prends les livres de guerre dans mon sens à moi, qu’aucun critique de la presse ou d’ailleurs ne semble avoir conçu : livre de combattant parlant de lui-même. On est hypnotisé par les historiques et les histoires, par les bouquins des Madelin, Le Goffic, Bordeaux, Victor Giraud, sans parler des Mangin et autres grands chefs ou jeunes Turcs. Pourquoi s’adresser aux saints quand on peut s’adresser à Dieu ? Ce sont les sources qu’il faut. Ce sont les témoins qu’il faut consulter et non les badauds (…). »

 

Lettre du 27 février 1928

 « Vous pouvez beaucoup faire pour moi, ou plutôt pour l’idéal des combattants que je représente, en lisant mon livre tôt et en en parlant autour de vous en le décrivant tel qu’il est et non pas tel qu’on s’imaginerait : un nouveau livre « rasoir » sur un sujet rebattu, dont on a marre ».

Lettre du 28 novembre 1929

« Nous trouvons ici un exemple de cette union sacrée que je désire réaliser chez les lecteurs de Témoins car on n’arrivera à rien si la droite veut s’en tenir à une vérité de droite et la gauche à une vérité de gauche quand il s’agit de la guerre. »

Remerciements : Vincent Delvert

 

2 commentaires

  • BLAISE 16 janvier 2014 à15:13

    Bonjour,
    je souhaiterai contacter Vincent DELVERT, pour savoir s’il a d’autres documents sur les Carnets d’un fantassin de Charles DELVERT;
    En effet, page 120 en date du 1er janvier Charles Delvert arrose ses galons avec d’autres officiers, il cite notamment BLAISE, appelé communément le bon Blaise, lieutenant à la 7ème compagnie. Il s’agit de mon père, et je ne possède pas de photos de cette époque.

    Merci.

  • Antoine 20 avril 2015 à07:19

    Bonjour,
    En ligne sur mon blog, une fiche de lecture portant sur l’ouvrage de Jean Norton Cru Du témoignage : http://100fichesdelecture.blogspot.fr/2015/04/jean-norton-cru-du-temoignage-1930.html

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