En novembre 2016, la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale publiait un état des lieux et proposait des perspectives au sujet de la numérisation du patrimoine écrit de la Grande Guerre. Pour en savoir plus sur ce rapport, nous avons interrogé l’auteur de ce rapport, Laurent Veyssière, conservateur général du patrimoine et directeur général adjoint de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. Pourquoi la France est-elle un pays leader en matière de numérisation du patrimoine écrit ? La France, État et collectivités territoriales, s’est engagée résolument dans une politique de numérisation du patrimoine culturel dès les années 1990. En particulier, depuis une quinzaine d’années, la numérisation du patrimoine écrit a pris un essor considérable dans les bibliothèques et les services d’archives. Elle permet à la fois de protéger les collections et les fonds d’archives tout en assurant leur valorisation par une consultation aisée et à distance. Les politiques de numérisation du patrimoine écrit ont beaucoup évolué au fil de ces dernières années, répondant à des enjeux différents entre bibliothèques et services d’archives, mais aussi à des ambitions diverses. La mise en ligne des documents numérisés contribue incontestablement avec succès à la démocratisation culturelle et au développement…
Né à Labassière dans les Hautes-Pyrénées, Alphonse Grasset (1873-1952) est l’un des officiers historiens de la Section historique de l’état-major de l’armée en 1914. Ce spécialiste des armées napoléoniennes part en campagne en août 1914. La guerre modifie profondément ses recherches. Gravement blessé, il rejoint le ministère de la Guerre, où il classe les premières archives de la campagne en cours et écrit les premières études. Après la guerre, Grasset devient l’un des écrivains militaires les plus prolixes. Son parcours est éclairant sur la construction des sources militaires de la Grande Guerre. Saint-cyrien (1894-1896) et officier d’infanterie (fiche matricule, Archives départementales des Hautes-Pyrénées), Grasset est affecté à la Section historique de l’état-major de l’armée le 24 décembre 1909. A l’époque, l’enseignement et l’étude de l’histoire militaire fondée sur des cas concrets occupent une place centrale dans la formation des cadres. L’armée cherche absolument à tirer des enseignements du passé et Grasset entreprend plusieurs études dans ce sens. En 1906, il publie chez Lavauzelle La doctrine allemande et les leçons de Moukden, ouvrage couronné par l’Académie française. Grasset s’oriente vers l’étude des campagnes napoléoniennes, dont le haut commandement est friand, et se spécialise dans l’étude de la guerre d’Espagne. En 1907,…
Les 10 et 11 avril, la mission du Centenaire a organisé les Rencontres du Web 14-18 à la Gaîté Lyrique à Paris. A cette occasion, nous sommes intervenus pour introduire la journée du 11 avril consacrée aux sources numérisées et à leur exploitation. Nous publions ici le texte de notre communication. Nous avons cherché à brosser un tableau synthétique des sources en ligne et des descriptions de sources, autrement dit des instruments de recherche, parce que la mise en ligne de sources n’a de sens que si elles sont interrogeables, ce qui suppose un long travail préalable de description et d’indexation par des professionnels, que les utilisateurs gagnent à comprendre. Ce tableau est loin d’être exhaustif. Tout part de notre blog… Depuis 2012, nous écrivons ce blog, que nous alimentons au gré de nos rencontres, de nos découvertes et de nos sujets de recherche. Ce blog, nous l’avons créé pour plusieurs raisons. D’abord nous voulions mettre nos deux expériences d’enseignant-chercheur et de conservatrice du patrimoine au service de notre intérêt commun pour les sources de la Grande Guerre. La forme du blog, tout en nous offrant un outil de travail, permet une libre expression et des possibilités de partage et…
L’exposition Août 1914. Tous en guerre ! ouvre ses portes aux Archives nationales à Pierrefite-sur-Seine le 19 septembre 2014. Isabelle Chave, conservatrice en chef aux Archives nationales et commissaire de l’exposition a accepté de répondre à nos questions. En préambule, pouvez-vous nous présenter l’exposition ? Comme l’indique son titre, l’exposition des Archives nationales porte sur l’entrée en guerre, sur une période de 36 jours exactement, allant de la mobilisation, le 2 août 1914, à la première bataille de la Marne. Son originalité est, avec l’arrière-plan militaire que l’on connaît, de mettre l’accent sur l’histoire sociale, administrative, économique, financière, industrielle et culturelle de cette période, en donnant la priorité à l’évocation des Français de l’arrière, à l’administration de leur vie quotidienne. Par cette exclamation, « Tous en guerre ! », il s’agit d’inviter à sortir le sujet du seul exposé de la mobilisation militaire et de l’élargir à la « mobilisation civile », pour reprendre l’expression utilisée par Olivier Bascou, préfet de la Gironde en août 1914, dans son livre de souvenirs, ou encore à la mobilisation administrative, à la mobilisation industrielle, entre autres… Pour en montrer l’ampleur et l’ambition, il fallait par ailleurs appliquer cette approche à une aire géographique…
Extrait d’une lettre de Marcel Proust à Lionel Hauser (2 août 1914). (Avec l’aimable autorisation de la Rare Book & Manuscript Library, University of Illinois at Urbana-Champaign) A la déclaration de la guerre, Marcel Proust est âgé de 43 ans. Il connaît déjà le succès depuis qu’est paru Du côté de chez Swann (1913), le premier volume de La recherche du temps perdu. La guerre inspire Marcel Proust, en particulier dans Le Temps retrouvé, septième et dernier volume publié en 1927, à titre posthume. En revanche, on connaît moins le correspondance que l’écrivain a entretenue pendant le conflit. L’université de l’Illinois a mis en ligne une exposition originale, Proust and the Great War, qui permet de découvrir quelques lettres de l’écrivain. François Proulx, Assistant Professor of French, qui a fait travailler six étudiants du département de français sur ces lettres, a accepté de nous présenter ce travail. Cette exposition numérique réunit une dizaine de lettres de Marcel Proust écrites entre 1914 et 1918. On y découvre l’angoisse de Proust à l’amorce de la guerre, alors qu’il craint le siège de Paris, son profond chagrin face à la perte d’êtres chers, et son lucide refus de tout chauvinisme. Des lettres adressées à Proust…
La Grande Guerre a profondément marqué l’Europe médiane. En 1914, cet espace est partagé entre les trois empires allemand, austro-hongrois et russe ; en 1918, la disparition de ces empires remodèle la carte de l’Europe médiane. La Hongrie devient indépendante à la suite de l’éclatement de l’Autriche-Hongrie. Il est important de connaître cette histoire pour comprendre comment se présentent les sources de la Grande Guerre en Hongrie. Gergely Fejérdy, maître de conférences à l’université catholique de Pázmány Péter à Budapest, a accepté d’en faire ici une rapide présentation. De 1867 à 1918, la Hongrie est intégrée dans la double Monarchie des Habsbourg. Environ 10 millions de Hongrois vivent en Autriche-Hongrie (51 millions d’habitants) à la veille de la Première Guerre mondiale. Budapest possède un gouvernement, au sein duquel un ministre est chargé des affaires militaires et de l’armée (Honvéd, littéralement « défenseur de la patrie”). Cependant, en ce domaine, les Hongrois ne pèsent sur les décisions de l’empereur François-Joseph (1849-1916) que de manière dérisoire, essentiellement à travers le Parlement, qui vote ou refuse la subvention demandée par Vienne. Après 1867, il existe à Vienne trois « ministères communs » : le ministère de la Guerre le ministère des Politiques étrangères le ministère des Finances,…
Comment parler aujourd’hui de la guerre, de l’armée et de la Nation en 1914, sans risquer le contre-sens, l’erreur d’interprétation ou l’anachronisme ? En lisant certaines publications sur la Grande Guerre, on se rend compte que le manque de culture historique militaire amène des auteurs à tomber dans ces travers qui nuisent à la démonstration. La suspension de la conscription depuis 1996 a certainement contribué à la perte de cette culture militaire, même minimale, qu’offrait l’expérience du service militaire. Le passage par l’armée de conscription pouvait permettre de mieux comprendre le fait militaire. Certes à la fin du XXe siècle, la vie y était plus douce qu’au début du siècle, mais l’environnement, la vie de caserne, les ordres, les traditions, les règles de vie dans les chambrées, les rapports entre les individus et les catégories, les exercices, etc. étaient hérités en partie de l’armée de la Troisième République. Or cette mémoire tend à disparaître. Deuxième facteur d’explication, la méconnaissance de cette source technique qu’est le Dictionnaire militaire. Cette « Encyclopédie des sciences militaires rédigée par un comité d’officiers de toutes armes » est rarement référencée dans les bibliographies des travaux de recherches. J’ai souvent recours à cette somme grâce à laquelle j’ai…
Contrairement à ce que le titre de ce billet peut laisser croire, nous ne partons pas en vacances aux antipodes… mais il n’est pas interdit de voyager « à dos d’archives » ! Nous nous sommes donc intéressés aux sources et aux outils consacrés à l’histoire de la Grande Guerre en Nouvelle-Zélande. A chacune de mes visites à Ypres, j’ai été impressionné par l’intensité et la solennité des cérémonies néo-zélandaises à Paschendaele. Il faut dire que l’effort de ce dominion de l’empire britannique a été considérable : la Nouvelle-Zélande, peuplée de 1,1 million d’habitants en 1914, a levé 120 000 volontaires pendant la guerre. Avec les Australiens, ils ont formé l’Australian and New Zealand Army Corps (ANZAC) et se sont illustrés aux Dardanelles, en Palestine et en France : L’Australie et la Nouvelle-Zélande dans la Grande Guerre (Chemins de mémoire) et La Nouvelle-Zélande sur le front occidental (Mission du Centenaire). Au total, près de 18 000 Néo-Zélandais sont morts au combat à des milliers de kilomètres de chez eux. Rien d’étonnant donc à ce que l’histoire de la Première Guerre mondiale suscite un grand intérêt dans cet archipel du Pacifique Sud, aujourd’hui membre du Commonwealth britannique. Le succès des trois journées franco-néo-zélandaises…
Dimanche dernier, alors que je flânais en famille le long des étals d’un vide-grenier, mon attention s’est portée sur une Etude sur Rudyard Kipling, chantre de la Grande Guerre (1914-1918). Ce livret de 60 pages est la version publiée de conférences données à l’Hôtel de ville de Versailles en juin 1921 par Victor Glachant (1864-1941), professeur de rhétorique aux lycées Buffon à Paris puis Hoche à Versailles. Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages de pédagogie et d’études littéraires, telle cette étude consacrée à Rudyard Kipling. Rudyard Kipling doit sa notoriété à des livres pour enfant : qui ne se souvient du Livre de la jungle, de Capitaines courageux ou de Kim ? Dans ses romans, dans ses nouvelles comme dans ses poèmes, Kipling exalte souvent la gloire et la grandeur de l’empire britannique. Ses héros sont souvent de petites gens, qui œuvrent à cette grandeur : les marins, les soldats, les ingénieurs, les fonctionnaires, etc. Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 1907 ; il est à alors à l’apogée de sa carrière. Chantre de l’impérialisme britannique, il s’en détache peu à peu quand la dimension mercantile s’impose aux ambitions politiques et morales. Néanmoins, en 1914, il s’investit dans le lutte contre l’Allemagne. Cet épisode de la vie…
Les protagonistes du programme Europeana Collections 1914-1918 se sont interrogés sur les attentes du public afin d’orienter la sélection des documents à numériser. Une enquête réalisée sur Internet, dont les résultats ont été présentés au cours de la journée d’étude du 16 décembre 2011, a offert un premier aperçu de la demande du grand public comme des chercheurs, entre sélection de documents uniques et riche bibliographie. L’ambition du projet se lit dans le nombre de documents numérisés (plus de 400000) mais aussi dans leur qualité et leur diversité. La sélection concernera tous les supports (manuscrits, imprimés, cartes, photographies, affiches, musique, enregistrements audiovisuels) et tous les types de publications (journaux, tracts, romans, correspondance, littérature pour la jeunesse, manuels…). Elle permettra de constituer un corpus représentatif de l’expérience individuelle et collective et de l’opinion dans les pays belligérants comme dans les pays neutres et selon toutes les sensibilités nationales, politiques et religieuses. (Chroniques de la Bibliothèque nationale de France, n° 58, avril-juin 2011) De plus, pour répondre à l’objectif d’accès rapide et facile, la numérisation sera faite, chaque fois que possible, en plein texte. Quelles seront les contributions françaises ? La BnF sera une des principales contributrices, à partir de ses propres…