Orages d’acier, troisième épisode. Pourquoi Orages d’acier n’est-il pas à mettre dans toutes les mains, sans remise dans le contexte de la Grande guerre, mais aussi de l’après-1918 en Allemagne ? ____ La prudence s’impose. Ce témoignage a exercé – on vient d’en noter les ressorts – un magnétisme puissant dans une Allemagne déboussolée, après 1918. Orages d’acier pose les bases d’une société militarisée, presque sans classe, dynamique socialement, virile et impitoyable pour les faibles. Cette armée allemande décrite par Jünger reprend en le perfectionnant – révolution des transports et de l’industrie oblige – un modèle mis en place par un autre empereur : Napoléon Ier. Ce dernier a imaginé une Grande Armée auto-centrée et hermétique aux affaires civiles, une contre-société soudée par la camaraderie militaire : celle que l’on retrouve décrite par Conrad dans sa nouvelle Le Duel, portée à l’écran par Ridley Scott (Les duellistes). L’armée napoléonienne aux uniformes chatoyants et son va-et-vient continuel à travers toute l’Europe, a perfectionné le legs de glorieux précurseurs : celui de Louis XIV ou de Frédéric II de Prusse. L’Empereur français concentre ses forces sur une portion de territoire (le camp de Boulogne, par exemple), grâce à des prodiges de logistique…
Pour la troisième fois en moins d’un an, j’écris la biographie d’un ancêtre mort pour la France pendant la Première Guerre mondiale. Léon Bourlet est le frère cadet de mon arrière-grand-père, Resté dans les « pays envahis » lors de l’invasion d’août 1914, il choisit de rejoindre la France non occupée. ** Léon Bourlet est né à Saulzoir (Nord) le 1er avril 1892. Quand j’ai entamé les premières recherches à son sujet, je me suis aperçu que Léon avait épousé Henriette Gabelle en septembre 1911, sœur de mon arrière-grand-mère. Ainsi les deux frères étaient mariés aux deux sœurs ! Léon est ouvrier quand il est incorporé au 127e régiment d’infanterie de Valenciennes le 10 octobre 1913. Toutefois, il est réformé par la commission de réforme de Valenciennes pour otite chronique et perforation du tympan le 10 juillet 1914. Ainsi, à la déclaration de guerre, il n’est pas rappelé sous les drapeaux. A partir du 25 août 1914, Saulzoir est occupé par l’armée allemande. Il est pris au piège derrière la ligne de front. Évadé des pays envahis Néanmoins, et bien que réformé, il décide de rejoindre la France non occupée. Mon grand-père, alors âgé de 5 ans, se souvenait de son oncle…
Pendant la Première Guerre mondiale, les captures de soldats ont été massives. En 1918, près de 7 millions de militaires sont prisonniers en Europe, en Outre-Mer et en Amérique du Nord. Les prisonniers français ont formé l’un des plus gros contingents de ces infortunés, puisque plus de 600 000 soldats français ont été retenus en Allemagne principalement, mais aussi en Bulgarie et en Turquie. En France, ces hommes ont longtemps été suspectés de non combativité, voire de lâcheté. Pourtant, les conditions de vie dans les camps ont été très difficiles, notamment en raison des privations, du manque d’hygiène, des maladies, du travail obligatoire ou encore des punitions. Plusieurs milliers d’entre eux sont morts en captivité. La nécropole nationale de Sarrebourg, où domine « Le Géant enchaîné » du sculpteur et ancien prisonnier de guerre Frédy Stoll, rassemble les corps de plus de 13 200 soldats français décédés en captivité (les noms ici sur MémorialGenWeb). Les images concernant les prisonniers de guerre en captivité sont peu nombreuses. Elles sont rarement le fait des captifs et ont davantage servi la propagande des « geôliers ». Les cartes-photos ci-dessous en sont probablement un exemple. Une fois n’est pas coutume, ces photos contiennent des informations précieuses inscrites sur…
Je n’ai jamais connu mon arrière-grand-père. Jean Baptiste Bourlet est mort pour la France le 7 octobre 1915. Canonnier au 17e régiment d’artillerie de campagne, il avait embarqué à bord du vapeur Amiral Hamelin le 2 octobre 1915. Le cargo, emmené par un équipage de 48 hommes, appartenait à la compagnie de navigation française à vapeur les Chargeurs réunis. Il transportait 306 passagers militaires, 2 000 obus de gros calibre et 15 000 de 75 mm et 2 millions de cartouches. Il avait pour destination Salonique mais n’arriva jamais dans le port grec : le 7 octobre 1915 à l’aube, il fut canonné et torpillé par l’U33, un sous-marin allemand battant pavillon austro-hongrois, au large de Cythère à environ 400 kilomètres des côtes. Mon arrière-grand-mère et ses fils, restés en pays envahis, n’apprirent la mort de Jean Baptiste qu’une fois la guerre terminée. Comme ce fut le cas pour des millions de familles françaises, sa disparition allait bouleverser l’histoire de ma famille et notamment la vie de mon grand-père qui, orphelin de père dès l’âge de cinq ans, devenait l’homme de la famille. J’ai bien connu mon grand-père, mais jamais je n’ai abordé l’histoire de son père avec lui. Mon…
Document : photographie d’un groupe de prisonniers russes dans un village du Nord de la France en 1915. Origine : collection particulière. La scène se passe à Saint-Aubert en 1915. Ce petit village du Cambrésis, à environ 15 kilomètres de Cambrai, est occupé par l’armée allemande à partir du 25 août 1914. Avec la stabilisation du front, la commune se retrouve à moins de trente kilomètres en arrière des lignes allemandes. L’originalité de ce document tient à la présence d’un groupe de prisonniers russes. Car si l’histoire des Russes dans l’est de la France est bien connue notamment grâce aux travaux de quelques historiens, en revanche elle n’a pas été étudiée pour le département du Nord. Ces hommes ont laissé peu de traces : les témoins ont disparu et les sources les concernant sont peu nombreuses, se résumant à de brèves allusions dans les souvenirs laissés par des civils. Les images sont rares. Il reste surtout de leur passage dans le Nord plusieurs centaines de tombes dans les cimetières militaires des environs. Pourquoi des Russes ont-ils séjourné dans le nord envahi près du front ? La condition des prisonniers de guerre est définie par les conventions de La Haye :…