Les sources sont au cœur de La Moustache du soldat inconnu, l’enquête de Jérôme Prieur publiée aux éditions du Seuil en septembre. A travers ce récit, on mesure la fascination de l’auteur pour les correspondances et les témoignages laissés par les combattants de la Grande Guerre, comme il l’explique dans cet épisode de La Fabrique de l’histoire (Quand le conflit n’en finit pas. Ou l’obsession de la guerre). Pourquoi Jérôme Prieur publie-t-il « ses souvenirs de la guerre de 14 » aujourd’hui ? Il a accepté de me répondre. Comme je l’évoque dans mon livre, j’ai commencé à vouloir écrire une sorte de vie quotidienne des poilus vers l’âge de dix ans puis le projet a – heureusement – bifurqué, mais il ne m’a jamais lâché. Comme s’il était plus fort que moi. J’ai continué ainsi pendant des années, tout au long des grandes étapes de ma vie d’adolescent puis d’adulte, à lire des récits de combattants, des correspondances, à me documenter, en quelque sorte à ramasser sur le champ de bataille, bien après les faits, évidemment, des traces, des échos de cette guerre terrible : ce que j’ai appelé « mes souvenirs de la guerre de 14 ». J’accumulais des notes, je collectionnais…
Cette lithographie en couleur datée de septembre 1919, disponible sur le site de la Library of Congress, est très instructive. D’une part, elle donne la liste de toutes les grandes unités qui ont appartenu à l’American Expeditionary Force (AEF) de 1917 à 1919 : trois armées (numérotées 1 à 3), neuf corps d’armée (1 à 9) et 53 divisions d’infanterie (de 1 à 20, de 26 à 42, de 74 à 94 et de 96 à 97). Ces unités ont été projetées principalement en France mais aussi en Grande-Bretagne, en Italie, en Belgique et en Allemagne. D’autre part, chaque grande unité est représentée par son shoulder sleeve insignia (SSI), littéralement l’insigne de manche d’épaule (SSI), un patch brodé typique de l’US Army. Les patchs des unités de l’AEF ont été créés à la fin de la Première Guerre mondiale. Celui de la 1st infantry division est le plus connu (un grand 1 rouge qui a donné son surnom à la division : The Big Red One). La plupart de ces patchs existent toujours, tandis que d’autres ont été modifiés pour des raisons historiques et militaires. J’ai passé en revue ces SSI afin de mesurer l’impact de la Grande Guerre sur la création…
L’Armée américaine dans la Grande Guerre est mon dernier livre, publié aux Éditions Ouest-France. Je propose d’en gagner un exemplaire, à condition de répondre à une petite question à la fin de cet article. Dans ce livre, j’ai voulu montrer comment les Etats-Unis ont transformé, en un temps record et avec le soutien des alliés, leur petite armée de volontaires en une armée de conscrits forte de plus de quatre millions d’hommes, dont deux millions ont été projetés en Europe. Cette rapide montée en puissance de l’armée est le signe le plus visible de la métamorphose opérée par les Etats-Unis pendant la Première Guerre mondiale. Pour illustrer ce livre, j’ai pioché en particulier dans les fonds photographiques des Archives nationales américaines (National Archives and Records Administration : NARA). Installées sur plusieurs sites aux Etats-Unis, parmi lesquels le National Archives Building à Washington D.C., à l’université du Maryland ou encore à Suitland dans le Maryland, les Archives nationales américaines ont pour mission de conserver et de communiquer les documents produits par les organes fédéraux. On y trouve par exemple les grands textes fondateurs de l’histoire américaine comme la Constitution des Etats-Unis, la Déclaration d’indépendance (1776) ou la Proclamation d’émancipation (1863). La…
La commémoration du centenaire de l’entrée des États-Unis dans la guerre s’est traduite par la publication de plusieurs ouvrages en France. Le dernier livre de Bruno Cabanes, Les Américains dans la Grande Guerre, a retenu mon attention. Cette synthèse portant sur un sujet encore méconnu en France est accompagnée d’une riche iconographie, bien mise en valeur dans ce bel album publié chez Gallimard. L’historien Bruno Cabanes occupe la chaire Donald G. et Mary A. Dunn d’histoire de la guerre moderne à l’Ohio State University (Etats-Unis). Il a bien voulu répondre à nos questions. 1/ Pourquoi écrivez-vous de la Première Guerre mondiale qu’elle est « la guerre oubliée de l’Amérique » ? L’histoire de la Grande Guerre est méconnue de la plupart des Américains, qui l’étudient peu au cours de leur scolarité et pour lesquels elle représente un conflit lointain. Cela peut paraître d’autant plus étonnant que 1917 marque une coupure importante dans l’histoire militaire et internationale du pays, les Etats-Unis accédant véritablement à un rang de première puissance mondiale, et l’armée américaine devenant, en l’espace de quelques mois, une armée moderne, mieux entraînée et mieux équipée. On dit parfois qu’il y a trois conflits omniprésents dans la mémoire collective des…
Nous avons déjà consacré un article sur ce blog aux photographies de prisonniers de guerre français en Allemagne (Chtimis prisonniers de guerre : photos de groupe). Ces photographies me laissaient sur ma faim car le lieu et l’origine du groupe étaient connus, j’avais le sentiment de passer à côté de l’identification des hommes. Et puis, le hasard m’a donné un coup de pouce ! En effectuant des recherches dans les archives du Comité international de la Croix-Rouge sur un prisonnier de guerre breton dont je connaissais le nom, j’ai compris que je pouvais essayer de mettre « mes » photographies en regard des archives du CICR, pour les dater et identifier les soldats photographiés. J’expose ci-dessous ma démarche et les conclusions que j’ai tirées. J’ai plusieurs photographies de groupe de ce type, mais celle des prisonniers d’Avesnes-les-Aubert (Nord) est la plus nette et donc la plus exploitable. Le groupe est composé de douze soldats âgés qui appartiennent au 3e régiment d’infanterie territoriale et d’un homme provenant du 145e régiment d’infanterie. Ces soldats ont été capturés à Maubeuge au moment de la reddition de la place le 7 septembre 1914. Au centre, un prisonnier porte une pancarte sur laquelle est inscrit : « Les…
3500 lettres et une centaine de photographies, échangées entre 1914 et 1918 par les huit membres d’une même famille et leurs amis, constituent le point de départ du travail mené par Pierrick Hervé, professeur au lycée Guist’Hau de Nantes et Marie-Christine Bonneau-Darmagnac, professeure au collège Jules Verne de Buxerolles. Cette dernière nous le présente. ** Le fonds d’archives de la famille Résal C’est grâce à un trésor de famille que Plateforme 14/18 existe. Jacques Résal, l’un des descendants, est dépositaire du fonds constitué de 3500 lettres et environ une centaine de photographies et nous a permis de l’utiliser pour le mettre à la disposition de la communauté éducative. C’est un vaste projet transmedia qui est né de cet ensemble documentaire avec tout d’abord la réalisation d’un film La cicatrice. Une famille dans la Grande Guerre par Laurent Véray, pour France 3, en 2013. Puis, l’édition de trois ouvrages co-signés Jacques Résal et Pierre Allorant : Lignes du front de l’Arrière. Correspondance du directeur du tramway de Bordeaux avec son fils artilleur, PU Bordeaux, 2015. La Grande Guerre à tire d’ailes. Correspondance de deux frères dans l’aviation. 1915-1918, Encrage, 2015. Femmes sur le pied de guerre. Chronique d’une famille bourgeoise. 1914-1918, Septentrion,…
Depuis sa création, ce blog est écrit à quatre mains : celles de l’enseignant-chercheur et celles de l’archiviste. Cependant, cette dernière se faisait rare ces derniers temps, occupée à une autre tâche au service des sources de la grande guerre… Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je reprends le clavier pour parler d’un sujet qui m’est cher à plus d’un titre, puisqu’il s’agit de présenter un nouvel instrument de recherche (les archivistes en sont friands…), résultat d’un projet que j’ai copiloté pendant 4 ans. Je me livre donc ici à un exercice inédit et assumé d’auto-promotion et de réflexion sur la diffusion et la valorisation des sources 🙂 ! En 2012, les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine se sont lancées dans la réalisation d’un guide des sources concernant l’Ille-et-Vilaine et la Grande Guerre, volet archivistique d’un ensemble de manifestations destinées à commémorer le Centenaire. L’objectif initial était de faire un état des sources existantes un siècle après le conflit, avec un parti pris d’ouverture : outre les documents conservés aux Archives départementales, nous avons élargi le périmètre du recensement à d’autres institutions patrimoniales d’Ille-et-Vilaine, à l’ensemble des communes du département, de la plus petite à la plus grande, ainsi qu’à des institutions nationales (Archives…
L’ECPAD détient une collection de 572 photographies autochromes représentant des scènes prises pendant la Première Guerre mondiale. Elles constituent un témoignage particulier sur le conflit, tant en raison des caractéristiques du procédé lui-même que de la personnalité des auteurs de ces clichés, parmi lesquels le commandant Jean-Baptiste Tournassoud. C’est d’ailleurs en partie grâce à la famille de ce dernier que la collection a pu être préservée entre 1919 et 1973, date à laquelle elle est revenue dans le giron de l’État. Cette collection entretient en outre des relations étroites avec d’autres institutions patrimoniales, dont les ancêtres ont en partie présidé à sa constitution : le musée Albert-Kahn (MAK) et la médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP). La « diapositive » en couleur avant l’invention de l’autochrome Au XIXe siècle, les recherches sur la reproduction des couleurs s’effectuent dans deux directions : fixation directe par voie chimique ou physique (chromophotographie) ou reconstitution par synthèse additive des trois couleurs primaires[1]. C’est cette dernière qui va donner lieu aux développements les plus prometteurs. Les précurseurs sont Maxwell et Sutton qui, en 1861, réalisent la première vue en couleur en prenant sous le même angle trois clichés sur plaque de verre d’un morceau de tissu écossais, avec trois filtres…
Entre 1914 et 1918, on assiste à une explosion de la production cartographique. Aujourd’hui, environ 14000 cartes concernant la Première Guerre mondiale, dressées par le Service géographique de l’armée, sont conservées au Service historique de la Défense. Les cartes restent une source mal connue alors qu’elles peuvent s’avérer très utiles pour les chercheurs et certains professionnels. Le projet « Explorer les cartes de la Première Guerre mondiale» en constitue un exemple remarquable. Avant de vous de le présenter, prenons le temps de découvrir cette source. Extrait du canevas de tir « Péronne » du 20 novembre 1916 (échelle 1/10 000e). En rouge, les positions alliées ; en bleu, les positions allemandes. © Coll. Historial de la Grande Guerre. ** Quelles cartes ? Pendant la Première Guerre mondiale, la géographie est omniprésente dans les armées, comme l’a très bien exposé Philippe Boulanger dans son livre La géographie militaire française (1871-1939). Pour faire la guerre, les armées ont besoin de cartes. Avant 1914, la fabrication et la diffusion des cartes militaires incombent au Service géographique de l’armée. Avec la guerre de position, le Service intègre dans ses activités de nouveaux champs tels que la géologie, l’hydrologie, la résistance des sols et des roches, grâce notamment à…
Depuis le début de l’année, chaque semaine, les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan proposent de découvrir un officier de la Grande Guerre sur leur site internet à partir des fonds très riches du musée du Souvenir (des milliers d’objets, de tableaux et de documents d’archives). Les objets qui sont présentés, parce qu’ils ont appartenu à ces officiers, donnent également lieu à une description. Cette rubrique hebdomadaire ne se limite pas aux saint-cyriens. Le conservateur du musée, l’officier communication et moi-même, qui suis chef du département histoire et géographie, souhaitons évoquer l’histoire des officiers de l’armée française pendant la Première Guerre mondiale, quels qu’ils soient. La diversité des recrutements a toujours fait la richesse de ce corps (Saint-Cyriens, Polytechniciens, Saint-Maixentais, réservistes, territoriaux…). L’objectif de cette rubrique est avant tout pédagogique. Tous les élèves officiers en formation aux écoles peuvent ainsi approfondir l’histoire de la Première Guerre, celle du corps des officiers ou encore les traditions de l’armée française et son patrimoine. Les nombreux témoignages laissés par les officiers de la Grande Guerre sont aussi l’occasion de stimuler la réflexion des élèves officiers sur le sens de l’engagement, la décision, le commandement, la peur, le combat, les relations avec les subordonnés. Pour certains,…