Enfant, après avoir vu le film d’Yves Robert de 1962, j’ai lu avec plaisir La guerre des boutons et je me suis ensuite intéressé au destin de son auteur, Louis Pergaud, instituteur devenu écrivain, né à Belmont (Doubs) le 22 janvier 1882.
Après la parution de Goupil à Margot, son recueil de nouvelles animalières couronné par les Goncourt en 1910, Pergaud devient célèbre et publie encore La Revanche du Corbeau, Le roman de Miraut, diffusé en feuilleton dans L’Humanité, et La Guerre des boutons. En 1914, La vie des bêtes paraît dans L’Homme libre de Clemenceau. Pergaud est un écrivain engagé, patriote, républicain et pacifiste. Quand la guerre est déclarée, il est mobilisé au 166e régiment d’infanterie de Verdun, où il est sous-officier. En mars 1915, il est promu sous-lieutenant et il commande la 1re section de la 2e compagnie du 166e RI quand le régiment est chargé de prendre la cote 233 près du village de Marcheville-en-Woëvre dans la Meuse. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1915, il disparaît à jamais, englouti dans la boue de la Woëvre.
J’ai découvert Carnet de guerre récemment. Si des fragments ont été publiés en 1938 (Mélanges, Paris, Mercure de France, 1938, 287 p.), il a fallu attendre 1994 pour qu’une version intégrale paraisse grâce à Françoise Maury dans le bulletin n°30 de l’Association des amis de Louis Pergaud. Bernard Piccoli a publié une 2e édition en 2006 (Les tranchées de Louis Pergaud : l’auteur de la guerre des boutons, Verdun, connaissance de la Meuse, 2006, 430 p.). C’est un ami qui m’a prêté la toute dernière édition établie par Françoise Maury en novembre 2011, précédée d’une note de l’éditeur très instructive et suivie d’un texte de l’écrivain Jean-Pierre Furrini intitulé Un tombeau pour Louis Pergaud, de notes et d’une biographie de l’écrivain. Publiée au Mercure de France, l’éditeur de Pergaud, cette version est remarquable à plus d’un titre.
Le format actuel reprend les dimensions du petit carnet de Pergaud (10.5×17 cm), de couleur marron, aujourd’hui conservé à la bibliothèque littéraire Jacques Doucet (cote MS 28163). Sur les 150 pages, 60 sont manuscrites au crayon papier. Interrompu à la date du 6 avril 1915, le carnet a été déposé dans la cantine militaire de son auteur et c’est Delphine Duboz, sa femme, qui l’a retrouvé quand elle a reçu la cantine de son défunt mari. Le texte, qui n’a pas été relu par son auteur, est présenté dans une forme fidèle à la version originale. Cette source primaire est d’une grande valeur. Pergaud livre ses impressions, ses joies, ses peines, ses doutes, et décrit sa vie quotidienne, parfois avec humour, depuis sa mobilisation jusqu’à la veille de sa mort. Son style est télégraphique pour dépeindre le quotidien des troufions. La guerre est faite de moments d’ennui et d’attente, entrecoupés de phases, parfois courtes, de combats, de fureur et de violence.
Le carnet de Pergaud nous montre à voir la guerre d’un sous-lieutenant d’infanterie au front. Contrairement à la plupart des témoignages publiés après la guerre, ce carnet s’interrompt en avril 1915 sans que son auteur ait connu l’issue du conflit et sans qu’il l’ait retravaillé. Au fil des 158 pages, on voit, on sent, on entend la guerre : du 3 août 1914 au 6 avril 1915, on vit avec Pergaud.
Pour aller plus loin, on peut consulter le dossier d’officier du sous-lieutenant Louis Pergaud au Service historique de la Défense (archives de la Guerre : 5Ye134518) et le journal des marches et opérations du 166e régiment d’infanterie (archives de la Guerre : 26N705).
Un commentaire
Le lien avec le JMO du 166e RI ne semble pas marcher