Je n’ai jamais connu mon arrière-grand-père. Jean Baptiste Bourlet est mort pour la France le 7 octobre 1915. Canonnier au 17e régiment d’artillerie de campagne, il avait embarqué à bord du vapeur Amiral Hamelin le 2 octobre 1915. Le cargo, emmené par un équipage de 48 hommes, appartenait à la compagnie de navigation française à vapeur les Chargeurs réunis. Il transportait 306 passagers militaires, 2 000 obus de gros calibre et 15 000 de 75 mm et 2 millions de cartouches. Il avait pour destination Salonique mais n’arriva jamais dans le port grec : le 7 octobre 1915 à l’aube, il fut canonné et torpillé par l’U33, un sous-marin allemand battant pavillon austro-hongrois, au large de Cythère à environ 400 kilomètres des côtes. Mon arrière-grand-mère et ses fils, restés en pays envahis, n’apprirent la mort de Jean Baptiste qu’une fois la guerre terminée. Comme ce fut le cas pour des millions de familles françaises, sa disparition allait bouleverser l’histoire de ma famille et notamment la vie de mon grand-père qui, orphelin de père dès l’âge de cinq ans, devenait l’homme de la famille. J’ai bien connu mon grand-père, mais jamais je n’ai abordé l’histoire de son père avec lui. Mon…