A l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Les secrets de la Grande Guerre chez Vuibert, le colonel Rémy Porte a accepté de répondre à nos questions. Auteur d’une utile Chronologie commentée de la Première Guerre mondiale publiée chez Perrin en 2011, Rémy Porte a choisi de traiter ici, en une vingtaine de chapitres, différents épisodes méconnus ou mal interprétés du conflit. A partir d’un fait précis, il en profite pour aborder des problématiques plus larges.
Rappelons que l’auteur a écrit plusieurs ouvrages se rapportant à la Première Guerre mondiale. On lui doit notamment une édition annotée et commentée du livre d’Erich von Falkenheim, Le commandement suprême de l’armée allemande 1914-1916 et ses décisions essentielles publiée aux éditions SOTECA en 2010. Enfin, Rémy Porte anime depuis quelques mois le blog Guerres et conflits.
Pourquoi avez-vous choisi ces thèmes ?
En fait, je n’avais que l’embarras du choix puisque nous avons encore une vision très « franco-centrée » de la Première Guerre mondiale et pour tout dire, par rapport à la première version remise à l’éditeur, j’ai finalement supprimé plusieurs chapitres. Un volume 2 est déjà, éventuellement, presque disponible ! L’objectif pour moi avec ce livre, après plusieurs études antérieures à caractère plus « scientifique », était d’aller au devant du grand public en proposant des textes variés et relativement brefs (environ une dizaine de pages pour chaque chapitre) et, en partant d’un cas concret, d’une situation personnelle ou d’un exemple ponctuel, de « remonter » vers des problématiques plus larges. Il était également important de montrer le caractère mondial de la Grande Guerre, d’où la nécessité d’inclure des articles sur les fronts russe et ottomans ou encore coloniaux.
Quel thème avez-vous le plus apprécié ?
Il est difficile pour un auteur de distinguer entre ses différents « enfants »… Disons que j’ai, par exemple, beaucoup aimé travailler sur le premier article, sur l’entrée en guerre de l’armée française en août 1914 avec le fameux pantalon garance, car il permettait de remettre en perspective la préparation de la guerre dans les années qui précèdent et de replacer les responsabilités de chacun à leur niveau : pour résumer, l’état-major général demande de nouvelles tenues de combat plus discrètes, mais le parlement et le ministère des Finances refusent les budgets. Dans un domaine différent, l’article sur « Les forçats de la mer » et la guerre navale des chalutiers, caboteurs, vapeurs réquisitionnés en Méditerranée a également été très intéressant à écrire car il s’agit d’épisodes éminemment humains, très importants pour la maîtrise des espaces maritimes et généralement ignorés du grand public.
Quelles sources avez-vous utilisées ?
Comme souvent, elles sont multiples. Il y a d’une part, bien sûr, les archives militaires conservées à Vincennes et qui, chacun le sait, sont particulièrement riches pour cette période et encore trop peu utilisées dans leur grande diversité. Mais j’utilise également beaucoup les témoignages (publiés ou non) des acteurs et des témoins des évènements, ainsi que la presse de l’époque, dans ce qu’elle dit ou dans ce qu’elle ne dit pas (censure). A travers les innombrables publications civiles et militaires des années 1920 à aujourd’hui, il y a de véritables « pépites » trop ignorées, et c’est d’ailleurs un vrai sujet de réflexion et d’études. Il faut ensuite passer ces différentes sources au crible de la critique, les croiser, les comparer et essayer d’approcher ainsi ce qui peut ressembler à la réalité de l’époque.
Quels sont vos projets maintenant ?
Je change complètement de registre, tout en continuant à me spécialiser sur la Grande Guerre. J’ai rendu il y a quelques semaines le manuscrit d’un ouvrage à paraître en mai (normalement) : une édition critique et commentée du Commandement en Orient du général Sarrail, ouvrage véritablement emblématique des publications d’autojustification et de « reconstruction » d’une mémoire, puis à la fin de l’automne devrait paraître une étude « tactico-tactique » sur la problématique de la rupture du front entre 1914 et 1918, sur laquelle je suis en train de travailler, à partir des règlements, des ordres donnés, des témoignages des acteurs, etc… Il y a tellement de sujets à étudier (ou à « ré-écrire » au regard des progrès de l’historiographie) sur la Grande Guerre que les idées ne manquent pas, d’autant qu’il faut toujours veiller à éviter la confusion entre « histoire » et « mémoire ».
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