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La semaine dernière, un collectionneur m’a confié L’Album des poilus. Leurs souvenirs de guerre (1914-1919) d’Adrien Barrère. Je n’ai pas résisté à l’envie de le partager sur ce blog. Cet album de grand format rassemble en 48 pages 125 dessins en « noir » et quatre grandes planches en couleurs. Cet exemplaire est numéroté (45/300). Il a été publié en 1919 chez A. Maloine et fils, un éditeur parisien spécialisé dans les publications médicales. Adrien Barrère (1877-1931) a étudié le droit et la médecine avant de se consacrer à l’illustration. On comprend donc pourquoi les références au service de santé des armées (hôpitaux, ambulances, blessés, portraits de soignants, etc) sont récurrentes dans le document. Avant la guerre, Adrien Barrère jouit d’une grande notoriété en France. Ses affiches de cinéma et ses caricatures des personnalités ont fait sa renommée. Barrère le caricaturiste ne se prive pas de croquer avec talent les « trouffions« , les « sous-off », les « gradés » et les « poireaux » (les généraux).
Après une courte introduction, aux accents patriotiques et manichéens, les planches se succèdent et c’est un véritable plaisir que de les parcourir. Les vignettes sont toutes légendées, datées, localisées et signées par l’auteur. Les dessins fourmillent d’une multitude de détails, parfois surprenants, telle cette mâchoire inférieure humaine posée sur la tombe « d’artilleurs de tank ».
La vie quotidienne des poilus est le thème de la première partie de l’album. Les dessins mettent en scène la soupe et le ravitaillement, les marches, les gardes aux tranchées, les toilettes de campagne, les logements, le service de santé et les chefs – Joffre, Clemenceau et Foch apparaissent sur une belle double page en couleurs. Barrère s’est aussi attaché à montrer les ruines causées par la guerre (Gerbéviller incendié par les Allemands par exemple). On trouve même une représentation de deux soldats en tenue camouflée, ce qui est peu commun. La deuxième partie comprend huit planches thématiques : l’aviation, la Belgique, Soissons, la Champagne, Verdun, la Somme, les Vosges et l’offensive de 1918. Les champs de bataille, les tranchées, les Allemands, la mort sont abondamment illustrés. Barrère fait aussi une large place aux chars et aux avions. Des soldats de toutes les générations sont représentés parmi lesquels des territoriaux, souvent mis en scène. Le regard que l’auteur porte sur les soldats africains est stéréotypé. La représentation du « Sénégalais nettoyeur » n’est sans rappeler une autre œuvre de Barrère, contemporaine de l’album des poilus, et passée à la postérité : l’affiche du Bolchevik serrant un couteau entre les dents (1919).
Toutefois, on notera avec intérêt l’absence de certains thèmes. Par exemple, le front d’Orient est totalement absent. De même, aucune mention n’est faite des prisonniers de guerre français et de leurs souffrances en captivité. Les cavaliers et les artilleurs ne sont jamais ou rarement mis en scène. L’Album des Poilus de Barrère reflète donc son temps. En 1919, le poilu ne peut être qu’un fantassin, qui a combattu les Allemands dans les tranchées du front de l’Ouest. Il a beaucoup souffert – Barrère le montre bien -, mais ses souffrances ont été atténuées par le ravitaillement (le pinard), quelques héros de l’aviation, les tankistes et quelques chefs remarquables qui lui ont permis d’arracher la victoire. On est loin de la réalité et cet album contribue à nourrir la propagande autour du poilu victorieux. Cependant, Barrère signe là un album de toute beauté.
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