La guerre vue par les journaux du monde entier

19 juin 2014

Première de couverture courrier internationalNous avons reçu le dernier hors-série histoire du Courrier international conçu, en partenariat avec RFI. Intitulé 14-18. La Guerre des autres, ce numéro propose une approche mondiale de la Grande Guerre (voir ici le sommaire) à travers la presse de 70 pays. Les traductions des articles sont complétées par des biographies, des références bibliographiques et cinématographiques. Pour en savoir plus sur l’élaboration de cette livraison, nous avons posé quelques questions à Raymond Clarinard, rédacteur en chef, et à Mélanie Liffschitz, coordinatrice éditoriale.

1) Comment avez-vous sélectionné les articles ?

Raymond Clarinard : Ce projet de hors-série spécial consacré à la Grande Guerre remonte à près d’un an. Quand nous avons obtenu le feu vert de la direction, nous avons “mobilisé” la rédaction de “Courrier International”, afin que chacun se plonge dans la presse du pays ou de la zone dont il ou elle est responsable pour y trouver tout article se rapportant de près ou de loin tant à la guerre elle-même qu’au souvenir qu’elle a laissé, ou encore aux commémorations prévues d’un pays à l’autre.
L’idée était de donner la parole à ceux qui sont d’ordinaire délaissés par les travaux de ce genre, lesquels se concentrent le plus souvent sur la guerre vue de France, d’Allemagne, des États-Unis et de Grande-Bretagne.
Pour certaines zones, la moisson a été riche, pour d’autres moins, ce qui était déjà, d’une certaine façon, un premier moyen de percevoir dans quelles régions cette guerre suscitait le plus de réflexions et d’interrogations.

2) Certes, la carte du monde est différente aujourd’hui, mais comment expliquez-vous que des pays ne soient pas représentés ?

Raymond Clarinard : Dans la mesure du possible, nous avons essayé de parler de tous, mais c’est quand on travaille sur ce genre de projet que l’on s’aperçoit que 96 pages, ce n’est pas encore assez pour traiter d’un tel conflit autrement que par le petit bout de la lorgnette française !
Nous avons usé de “ruses” pour pouvoir évoquer autant de peuples impliqués que possible. C’est un officier Gurkha, donc népalais, de l’armée indienne qui est en couverture. Un article polonais raconte la guerre vécue par les Polonais dans l’armée allemande, un encadré parle de Joszef Pilsudski dans l’armée austro-hongroise, et une silhouette de cavalier polonais dans les pages consacrées à l’empire russe nous permet de rappeler qu’il y avait aussi des Polonais dans l’armée russe. Nous avons également utilisé des photographies d’époque, des affiches pour montrer à quel point cette guerre a été mondiale.
Nous avions prévu de consacrer une double page aux neutres, avec un article néerlandais très intéressant et des encadrés sur les autres régions du monde, dont l’Amérique latine, mais cette double page indispensable a finalement dû être supprimée pour des questions de place.
Nous nous sommes rattrapés en la publiant, légèrement modifiée, dans notre hebdomadaire, dans la rubrique Histoire, dans le numéro 1232, sorti en kiosque le 12 juin dernier.

3) Quel rôle ont joué historiens, iconographes, traducteurs et évidemment journalistes dans la réalisation de ce hors-série ?

Mélanie Liffschitz : Pour ma part, j’ai essayé de travailler à partir des nouveaux moyens de communication et notamment Twitter. Il suffit de taper le mot-dièse #WW1 pour trouver une multitude de fils Twitter thématiques sur la Première Guerre mondiale : les fils institutionnels comme celui de l’Imperial War Museum ou de la BBC, mais aussi les fils d’historiens et de mordus d’histoire. Chaque pays acteur du conflit a son fil Twitter sous l’appellation WW1 + le nom du pays comme WW1Turkey, ou plus pointu, comme WW1Scotland. C’est vraiment passionnant. Ensuite il n’y a plus qu’à faire son marché ! Le site Centenarynews.org est également une mine d’informations : des dernières sorties en librairie aux commémorations officielles en passant par le pèlerinage proposé par le Pape François pour rendre hommage aux victimes de la Grande Guerre. Le site propose une revue de presse d’une grande exhaustivité. Les traducteurs ont évidemment joué un rôle primordial. Sans eux pas de hors-série. C’est l’élément fondamental de la formule “Courrier International”.

Raymond Clarinard : Notre équipe était réduite, et nous avons donc demandé aux journalistes de “Courrier International” de nous aider à trouver des articles. Dans ce hors-série, vous trouverez aussi bien des articles provenant de grands quotidiens et hebdomadaires généralistes allemands, autrichiens, anglais, italiens ou russes, que d’autres issus d’une presse plus “spécialisée”, comme le mensuel roumain “Historia”. Dans le même temps, nous avions une idée assez précise de ce que nous voulions faire, en proposant non seulement des articles, mais aussi des chandelles ou des encadrés sur des livres, des films, ou des événements et des batailles méconnus. Ensuite, notre iconographe a accompli un travail formidable et nous a fourni en documents exceptionnels, et notre directrice artistique a conçu une maquette claire et lisible permettant de mettre chaque sujet en valeur.

4) Nous avons beaucoup aimé la double page « Les mots des autres ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Raymond Clarinard : Ce bref lexique aurait pu être bien plus étoffé si nous avions eu plus de temps. C’est typiquement le genre de choses que nous faisons à “Courrier International”, et c’est un moyen idéal, pour un lecteur français, de se plonger dans la mentalité des autres belligérants.

Mélanie Liffschitz : Tout le monde connaît l’argot des tranchées, mais on sait moins que chaque pays a forgé son propre vocabulaire. Nous avons travaillé à partir de nos connaissances, noté de nouveaux mots au fil de nos lectures mais aussi repéré des expressions en visionnant les films proposés dans notre sélection. Dans Gallipoli de Peter Weir par exemple, on peut entendre Mel Gibson interpeller les “Vics”, ou encore un soldat balancer une grenade sur les lignes turques en disant : “Prends ça, Abdul !”. C’était un travail passionnant et le sens de l’humour et l’inventivité des combattants, malgré l’horreur de ce qu’ils vivaient, nous a beaucoup ému. Notre préféré étant les “Zepps in a cloud” (Des zeppelins dans un nuage) qui désigne un plat de saucisse-purée !

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