Les permissions s’annoncent, nous vous proposons un petit jeu.
À la veille de la Première Guerre mondiale, tous les militaires ont droit à des permissions annuelles. La permission est une autorisation d’absence ; par dérivation le mot désigne également le titre qui attribue cette autorisation. Les officiers et sous-officiers peuvent se voir accorder des permissions pendant le courant de l’année, en conciliant autant que possible les intérêts du service avec les convenances personnelles. En revanche, pour les soldats, à moins de circonstances graves, les permissions coïncident avec les fêtes légales (Noël ou 1er janvier, Pâques, Pentecôte), et peuvent tenir compte des dispositions propres aux différents cultes. Enfin, il peut être accordé des permissions spéciales aux cultivateurs ou encore aux militaires changeant de résidence.
La guerre bouleverse ce régime. Dans un premier temps, les permissions sont suspendues. Toutefois, avec le prolongement inattendu de la guerre, la question des permissions devient un enjeu militaire, mais aussi social, politique, logistique, etc.
Aujourd’hui nous nous contenterons de vous inviter à répondre à la question suivante : à la veille de la Grande Guerre, à combien de jours de permissions un militaire français a-t-il droit chaque année ?
Notre petit jeu se terminera dimanche 20 juillet à 21 heures. L’internaute qui donnera le premier la bonne réponse recevra une modeste récompense.
Vous pouvez nous envoyer votre réponse dans les commentaires ou nous écrire à sourcesdelagrandeguerre@gmail.com
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Arnaud Carrobi, auteur du blog Le Parcours du Combattant de la Guerre 1914-1918, a été le premier à donner la bonne réponse. Il recevra le livre Après d’Erich Maria Remarque (nouvelle édition de 2014 de chez Gallimard).
Emmanuelle Cronier, auteure du livre Permissionnaires dans la Grande Guerre, a accepté de nous parler des permissions et de la source très intéressante qu’elle a exploitée.
À la veille de la Grande Guerre, à combien de jours de permissions un militaire français a-t-il droit chaque année ?
Sous la IIIe République, les permissions sont attachées au service militaire. Réglementées le 1er mars 1890, et plusieurs fois réformées, elles ont représenté entre 15 et 120 jours de congés sur 24 à 36 mois de service. À la veille de la guerre, les conscrits bénéficient ainsi de 40 jours de congés annuels, en accord avec la loi du 7 août 1913, dite loi des trois ans, qui a fait passer la durée du service de deux à trois ans.
Votre travail s’appuie notamment sur les répertoires des procès-verbaux des commissariats parisiens dits « mains courantes » conservés aux archives de la préfecture de police de Paris. De quoi s’agit-il ?
Ces répertoires informent sur les affaires que les 80 commissariats parisiens (ainsi que les commissariats de l’ancien département de la Seine) ont eu à traiter. Dans les « mains courantes », on trouve tout que qui a nécessité une intervention policière : affaires de voisinage, vols, enfants abandonnés, incendies, bombardements, ivresse sur la voie publique, rixes, prostitution, militaires en retard pour rentrer de permission, outrages à agent, propos défaitistes…. Les « mains courantes » n’ont pas été conservées pour la guerre 14-18. On a en revanche les répertoires de ces mains courantes, qui rassemblent les affaires les plus graves, c’est-à-dire celles qui ont donné lieu à une enquête. Pour la période de la guerre, il y a donc à la fois des délits, des crimes, et de nombreuses affaires concernant la vie du quartier : chiens sans muselière, exhibitionnisme, lumières mal calfeutrées…
Les registres comportent quatre types d’information sur chaque affaire : date, qualification de l’affaire (ex : désertion), état civil et informations militaires sur les différentes personnes impliquées (à titre divers : victime, témoin, coupable présumé), et un résumé plus ou moins détaillé selon les affaires et les commissariats. Il est très précieux car on peut suivre les déclarations de toutes les parties concernées, y compris les agents de police, et il permet de mettre en contexte l’affaire.
En quoi consiste la base de données des 6 294 permissionnaires et 5 793 déserteurs que vous avez constituée ?
Le dépouillement, très long, des registres des procès-verbaux a permis de repérer les permissionnaires ainsi que ceux qui sont restés à Paris à l’issue de leur permission. Leur repérage était parfois évident, pour une affaire qualifiée de « désertion », et parfois fastidieux, quand il fallait traquer le permissionnaire du front parmi les informations sur les différentes personnes impliquées. Il y a parfois une incertitude concernant les hommes en permission de convalescence, les mobilisés de l’arrière en permission, ou même ceux qui ont parfois déserté le front.
Le grand nombre d’affaires m’a poussée à opérer par sondage, et à ne saisir dans la base de données qu’un cas sur deux ou sur trois selon la richesse du quartier en affaires. Le dépouillement a abouti à saisir dans la base 6294 permissionnaires et 5793 déserteurs, sous forme de fiches individuelles dont les données sont parfois lacunaires. Cependant, le grand nombre de cas permet, en fonction des données, un certain nombre de calculs statistiques qui sont précieux pour établir des profils de déserteurs ou de permissionnaires impliqués dans tel ou tel type d’affaire.
Pour en savoir plus :
Emmanuelle Cronier, Permissionnaires dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 2013.
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