Gustave Blanchot (1883-1968), alias Gus Bofa, est absent de la plupart des dictionnaires de la Grande Guerre publiés ces dernières années. Il doit sa notoriété aux dessins publicitaires ainsi qu’aux illustrations de livres d’auteurs classiques. Pourtant, l’œuvre de cet illustrateur s’est abondement nourrie des horreurs des deux guerres mondiales. En janvier 2014, une exposition intitulée « Gus Bofa, l’adieu aux armes » lui rendait hommage en montrant notamment la part que tenaient la guerre et l’armée dans son œuvre. Le Livre de la guerre de Cent ans de Gus Bofa, réédité aux Éditions Cornélius en 2007, m’a beaucoup plu.
Bofa est le petit-fils d’Aquilas Jean Baptiste Blanchot (1806-1862), saint-cyrien, intendant militaire et directeur de l’administration au ministère de la Guerre. Il est aussi le fils de Charles Blanchot (1834-1918), saint-cyrien et officier d’infanterie. Charles a occupé les fonctions d’aide de camp du maréchal Bazaine au Mexique de 1862 à 1867. Pendant cette période, il a également été détaché auprès du gouvernement de l’empereur Maximilien, où il a occupé les fonctions de sous-secrétaire d’État à la Guerre (1866). De son expérience au Mexique, Charles Blanchot publie des mémoires en 1911. A la fin de sa carrière, le père de Gus Bofa est chargé du commandement militaire du Sénat. Bofa, quant à lui, renonce au concours d’entrée à Saint-Cyr et se lance dans une carrière d’illustrateur. Mobilisé en août 1914, Bofa est fantassin au 346e régiment d’infanterie quand il est gravement blessé dans le secteur du Bois Le Prêtre le 7 décembre 1914. Infirme, Gus Bofa tente de chasser de son esprit les horreurs de la guerre en publiant plusieurs livres parmi lesquels Le Livre de la Guerre de Cent Ans en 1921. Dans ce pamphlet contre la guerre, Bofa transpose la guerre de 1914 au milieu du XIVe siècle. Ce livre étonnant est aussi un excellent témoignage sur les mentalités et plus généralement sur la vie quotidienne des hommes en guerre. Sa description des rapports hiérarchiques est souvent d’une grande justesse. On sent bien que l’armée n’est pas un univers inconnu pour l’artiste.
Avec humour, cruauté et fantaisie, Bofa dessine les soldats qui furent jadis au front ses camarades ou ses supérieurs. Ces hommes sont des marionnettes prises au piège d’un événement qui les dépasse. Dans la préface de cette belle réédition, Emmanuel Pollaud-Dulian note que Gus Bofa « dresse un tableau sans indulgence d’une France qui, bien installée dans la guerre, se partage entre ceux qui en vivent et ceux qui en meurent« . Selon Bofa, le vrai drame de la guerre est « l’impossible adaptation de paisibles bougres résignés, sans haine et sans orgueil, au rôle improvisé de héros« .
Bonne découverte pour ceux qui ne le connaissent pas encore…
Pour en savoir plus…
Pas de commentaire