Les zones touchées par la Première Guerre Mondiale conservent encore de nombreux témoignages des combats. Les cimetières militaires et les mémoriaux, définitivement élaborés dans l’après-guerre, sont les plus remarquables. D’autres éléments, disposant d’un fort potentiel d’évocation, sont également à signaler. Il s’agit des traces ou des vestiges de l’activité guerrière, dispersés dans les paysages de l’ancien champ de bataille. Les « blockhaus » occupent une place majeure dans cette catégorie, notamment en Flandre française. Ces ouvrages d’architecture militaire, construits en béton armé pour fortifier les positions, constituent aujourd’hui un patrimoine relativement important du point de vue quantitatif. Édifiés par milliers pour protéger les hommes et matériels durant la guerre de position, ils devaient tous disparaître lors de la remise en état des terrains qui a suivi le conflit. Cependant, pour des raisons techniques ou pratiques, beaucoup ont échappé au démantèlement, permettant aujourd’hui, au promeneur averti, une exploration historique très concrète. Si certains sont présents au milieu des champs, d’autres sont dissimulés dans l’épaisseur des haies, dans des jardins privés, sous le couvert de taillis ou carrément incorporés dans la structure d’habitations !
Les auteurs du livre et les bénévoles de l’A.T.B.14-18 (une association valorisant l’histoire et la mémoire de la Première Guerre Mondiale en Flandre française) ont arpenté l’ancien champ de bataille situé entre Béthune et Armentières afin de repérer et identifier ces constructions militaires. Leur travail d’inventaire et d’analyse, comparable à une forme d’archéologie extensive, a débuté en 2001. Depuis, l’équipe découvre régulièrement de nouveaux édifices jusque-là bien cachés. Rapidement, l’étude du territoire a permis de constater le travail colossal et l’expertise technique dont a fait preuve l’armée allemande pour construire, à partir de 1915, ces fortifications en béton. En raison de l’humidité du sol, ces ouvrages ont pour la plupart été réalisés en surface et étaient reliés par des tranchées surélevées. Les relevés de terrain ont permis d’établir la grande diversité des formes et des fonctions données à ces constructions. La typologie dressée permet de distinguer les abris passifs et actifs. Ces derniers correspondent aux postes de combat (infanterie, mitrailleuse, artillerie), également dotés d’une position d’observation et d’outils de liaison. La persistance de nombreux ouvrages de ce type permet d’appréhender l’organisation du système défensif élaboré par les Allemands pour rendre imprenable ce secteur qui défendait l’accès à la ville de Lille. En effet, il est relativement facile pour le promeneur de repérer les différents points d’appui, disposés sur plusieurs lignes défensives, de comprendre leurs interactions (liaisons) et de déterminer les zones battues par leurs feux croisés ou de flanquement. L’observation approfondie du terrain a également permis de révéler l’existence d’une dizaine d’abris en béton construits par les troupes britanniques, notamment en 1917 et 1918. La rareté des ouvrages alliés s’explique notamment par le lancement tardif de ces chantiers de construction par rapport aux Allemands. L’étude des vestiges de ces fortifications de campagne permet donc d’appréhender les conditions de la longue guerre de position en Flandre française (octobre 1914-avril 1918).
L’étude des rapports rédigés après la guerre par des ingénieurs militaires a permis de comprendre un peu mieux les techniques mises en œuvre par les pionniers allemands, secondés dans la réalisation des travaux peu techniques par l’infanterie ou des prisonniers de guerre russes. Côté allié, les archives témoignent d’une forme de pragmatisme dans les techniques de construction puis, dans un second temps, d’une industrialisation du processus avec l’élaboration de modèles à base d’éléments préfabriqués (modèle Moir par exemple). Les documents permettent également de décrire la chaîne d’approvisionnement en matériaux nécessaires à cette politique de travaux. L’importance quantitative des abris en béton subsistant et les questions relatives aux techniques de construction révèlent donc la dimension industrielle de la Première Guerre Mondiale. Elles dévoilent également un aspect de la vie du soldat au front : le travail quotidien. Elles confirment ainsi les conclusions publiées dans l’édition de janvier 1918 du Manuel du Chef de Section d’Infanterie : « Le soldat est à la fois un combattant et un travailleur. Il se sert de son fusil quelques fois, de son outil tous les jours ».
En questionnant l’histoire des abris en béton, le livre et l’exposition « Fortifications 14-18 » proposent une approche concrète des différentes facettes de la guerre de position entre 1914 et 1918.
L’exposition « Fortifications 14-18 » sera installée en plein air à Illies (Nord), du 1er juin au 1er octobre 2017, sur un site offrant une forte concentration de « blockhaus » allemands. Quant au livre, détaillant les principes de la fortification de campagne, la typologie des abris en béton et les techniques de construction à l’échelle de la Flandre française, il peut être commandé directement auprès de l’A.T.B.14-18
Bertrand Lecomte, ATB 14-18
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