Journaliste à France 24, Stéphanie Trouillard anime la page centenaire 14-18 sur le site internet de la chaîne de télévision internationale française. Son intérêt pour l’histoire et les commémorations du Centenaire, en particulier dans sa dimension internationale, l’ont amenée à travailler sur la Première Guerre mondiale. En parallèle, elle mène des recherches familiales. Nous lui avons posé quelques questions pour comprendre le travail d’une journaliste dans le cadre des commémorations.
Comment abordez-vous l’histoire en tant que journaliste ?
Nous avons l’obligation d’être crédibles. Nous sommes des journalistes et non des historiens. Notre premier travail est de vulgariser, de rendre ces événements compréhensibles par le plus grand nombre tout en évitant de commettre des erreurs historiques. Par conséquent, nous effectuons un important travail de recherche dans les ouvrages et dans les archives sur des sujets peu connus. Pour chaque article, nous contactons des historiens et nous nous appuyons sur leurs travaux. Enfin, notre objectif est d’être une sorte de porte d’entrée pour le lecteur vers d’autres ouvrages historiques. Nous avons eu plusieurs retours de professeurs d’histoire et de géographie de lycées et de collèges qui nous ont dit avoir trouvé des idées pour travailler avec leurs élèves.
Quels sont les sujets traités ?
Je propose tous les mois un programme d’articles à ma rédactrice en chef, Marie Valla, qui est elle-même très intéressée par cette période de l’histoire. Elle travaille actuellement sur un webdocumentaire consacré à des infirmières anglaises durant la Grande Guerre. En proposant régulièrement des papiers sur ce sujet, nous devons réussir à garder l’intérêt du lecteur. Nous abordons donc une grande diversité de thèmes et nous ne nous focalisons pas uniquement sur le cas français. Il est vrai que certains sujets passionnent les internautes. Par exemple, l’article sur le vin dans les tranchées a rencontré un grand succès. Mais il faut aussi varier les angles d’approche (la bande dessinée, les femmes dans la guerre, les gueules cassées) et évoquer les parcours individuels en France et à l’étranger (Marie Marvingt en France, la famille Smith en Angleterre, Henry Midgley en Australie). Les lecteurs sont friands de ces histoires individuelles auxquelles ils peuvent s’identifier. Les histoires familiales des journalistes ont abondamment nourri les colonnes de Centenaire 14-18. Par exemple, l’article de Tony sur son grand-oncle ou le mien sur le Mémorial de Notre-Dame de Lorette. Enfin, nous cherchons aussi à être en accord avec l’actualité des commémorations (le 28 juin 1914 ou le 22 août 1914).
Vous avez choisi de traiter vos sujets sous différentes formes. Pouvez-vous nous les présenter brièvement ?
- Les articles classiques : nous en publions un par semaine avec beaucoup d’illustrations. C’est un travail qui nécessite un important investissement et qui pose certains problèmes, en particulier pour les droits iconographiques.
- Webdocumentaires : nous en avons conçu (le jardin tropical de Paris et celui sur les infirmières anglaises) avec toujours les mêmes problèmes : un travail colossal (ce n’est pas notre mission principale) et l’iconographie. Les webdocs sont très gourmands en visuels et c’est un poste pour lequel nous n’avons pas (beaucoup) de budget à France 24. Nous avons uniquement un abonnement AFP qui couvre l’essentiel de nos besoins de couverture d’actualités. En outre, les délais de publication sont parfois courts. Pour surmonter ces difficultés, nous avons trouvé plusieurs moyens. Nous avons recours (à titre gracieux) à des photographies tirées des collections du Musée de Nogent-sur-Marne et Saint-Maur-des-Fossés et des collections du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Nous utilisons des documents provenant d’archives personnelles et familiales (le cas de l’article sur la grande famine au Liban) ainsi qu’à des photographies libres de droits provenant de la BDIC.
- Les réseaux sociaux : le « live tweet » a permis de relater en temps réel le déroulement de certains événements commémoratifs à l’instar du déroulé heure par heure de l’attentat du 28 juin 1914 avec des illustrations ou du déplacement sur le front d’Orient. Enfin, nous assurons une veille journalistique, avec une revue de presse quotidienne, et un relais entre les internautes passionnés par ce thème. Il est, à mon sens, important de répondre aux demandes des internautes et d’entretenir ces liens.
France 24 est un média tourné vers le monde. Avez-vous les moyens de mesurer l’audience de Centenaire 14-18 ?
Nous n’avions jamais couvert un événement historique de cette façon. France 24 est une chaîne d’actualité en continu et on n’est pas vraiment paramétré pour traiter de grands sujets historiques. C’était donc un pari audacieux qui semble pourtant fonctionner. Les audiences ont augmenté sur les papiers consacrés à la Grande Guerre entre le 1er et le 2e semestre. La majorité des entrées se fait depuis le site, d’où l’idée qu’il fallait adopter une régularité hebdomadaire dans nos publications pour fidéliser les lecteurs. Les réseaux sociaux ont donné un sacré coup de pouce. Les articles les plus lus sont ceux qui ont été largement relayés sur internet.
Les lecteurs extra-européens représentent une part non négligeable. Ainsi, environ 20 % des visites proviennent du continent africain. Plusieurs sujets ont été consacrés à cet espace (les prisonniers coloniaux en Allemagne par exemple). Les Anglo-Saxons sont en pointe. Nous savons que c’est un sujet qui les intéresse et nous sommes idéalement placés. Nous n’avons pas pu traduire systématiquement tous les articles en anglais, mais après la France, 10 % des navigateurs sont issus des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni. Ils ont trouvé des contenus qui les intéressent : les Hell-fighters, l’histoire personnelle d’un de nos collègues de la rédaction anglaise ou la prise de Bassora par les Britanniques.
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