Depuis sa création, ce blog est écrit à quatre mains : celles de l’enseignant-chercheur et celles de l’archiviste. Cependant, cette dernière se faisait rare ces derniers temps, occupée à une autre tâche au service des sources de la grande guerre… Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je reprends le clavier pour parler d’un sujet qui m’est cher à plus d’un titre, puisqu’il s’agit de présenter un nouvel instrument de recherche (les archivistes en sont friands…), résultat d’un projet que j’ai copiloté pendant 4 ans. Je me livre donc ici à un exercice inédit et assumé d’auto-promotion et de réflexion sur la diffusion et la valorisation des sources 🙂 ! En 2012, les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine se sont lancées dans la réalisation d’un guide des sources concernant l’Ille-et-Vilaine et la Grande Guerre, volet archivistique d’un ensemble de manifestations destinées à commémorer le Centenaire. L’objectif initial était de faire un état des sources existantes un siècle après le conflit, avec un parti pris d’ouverture : outre les documents conservés aux Archives départementales, nous avons élargi le périmètre du recensement à d’autres institutions patrimoniales d’Ille-et-Vilaine, à l’ensemble des communes du département, de la plus petite à la plus grande, ainsi qu’à des institutions nationales (Archives…
Né à Labassière dans les Hautes-Pyrénées, Alphonse Grasset (1873-1952) est l’un des officiers historiens de la Section historique de l’état-major de l’armée en 1914. Ce spécialiste des armées napoléoniennes part en campagne en août 1914. La guerre modifie profondément ses recherches. Gravement blessé, il rejoint le ministère de la Guerre, où il classe les premières archives de la campagne en cours et écrit les premières études. Après la guerre, Grasset devient l’un des écrivains militaires les plus prolixes. Son parcours est éclairant sur la construction des sources militaires de la Grande Guerre. Saint-cyrien (1894-1896) et officier d’infanterie (fiche matricule, Archives départementales des Hautes-Pyrénées), Grasset est affecté à la Section historique de l’état-major de l’armée le 24 décembre 1909. A l’époque, l’enseignement et l’étude de l’histoire militaire fondée sur des cas concrets occupent une place centrale dans la formation des cadres. L’armée cherche absolument à tirer des enseignements du passé et Grasset entreprend plusieurs études dans ce sens. En 1906, il publie chez Lavauzelle La doctrine allemande et les leçons de Moukden, ouvrage couronné par l’Académie française. Grasset s’oriente vers l’étude des campagnes napoléoniennes, dont le haut commandement est friand, et se spécialise dans l’étude de la guerre d’Espagne. En 1907,…
En flânant dans une bibliothèque, je suis tombé par hasard sur les Rapports présentés au président du Conseil par la commission instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi de 1914 à 1919. J’ai voulu en savoir plus sur cette source qui dépeint, entre autres, ce que furent l’invasion et l’occupation. Le 23 septembre 1914, un décret du ministre de la Justice annonce la création d’une commission chargée de constater « les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens ». Nous sommes au lendemain de la bataille de la Marne, quand les troupes françaises et britanniques viennent de libérer une partie du territoire occupée par l’armée allemande depuis fin août 1914. La puissance publique juge utile d’enquêter dans ces zones pour apporter les preuves des exactions et des atrocités commises par l’armée allemande au moment de l’invasion. Cette commission, présidée par Georges Payelle (1859-1941), premier président de la Cour des comptes, a recueilli des milliers de témoignages. Des dossiers ont été constitués pour chaque commune afin de dresser un inventaire des exactions commises envers les personnes et les biens. A partir de la mi-octobre 1914, les populations natives des pays envahis ayant fui l’occupation ainsi que toutes…
Le Service des archives économiques et financières vient de publier, sur le site internet des ministères économiques et financiers, un mini-site consacré aux marchés de guerre passés entre 1914 et 1919. Ouvert à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, ce site fait suite à un travail de numérisation de près de 10 682 fiches fournisseurs récapitulant les 11 000 dossiers conservés par le service, soit près de 280 ml d’archives. Un fonds riche et sous-exploité pour comprendre le tissu industriel français pendant la Grande Guerre. Sont considérés comme marchés de guerre, au sens de l’article 138 de la loi du 31 mai 1933, les marchés passés par l’État, les départements, les communes et les établissements publics entre le 1er août 1914 et le 25 octobre 1919, ainsi que ceux concernant la liquidation des stocks, la reconstitution des régions libérées et les opérations liquidatrices des séquestres d’Alsace et de Lorraine réalisées après la guerre. Les grands noms de l’industrie française y sont présents : Blériot aéronautique, Schneider et compagnie, Société Michelin E. et Cie, Louis Renault, Peugeot et Cie, Société des mines de Carmaux, Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage, Société chimique des usines du Rhône, Saint Gobain Chauny et…
L’ECPAD détient une collection de 572 photographies autochromes représentant des scènes prises pendant la Première Guerre mondiale. Elles constituent un témoignage particulier sur le conflit, tant en raison des caractéristiques du procédé lui-même que de la personnalité des auteurs de ces clichés, parmi lesquels le commandant Jean-Baptiste Tournassoud. C’est d’ailleurs en partie grâce à la famille de ce dernier que la collection a pu être préservée entre 1919 et 1973, date à laquelle elle est revenue dans le giron de l’État. Cette collection entretient en outre des relations étroites avec d’autres institutions patrimoniales, dont les ancêtres ont en partie présidé à sa constitution : le musée Albert-Kahn (MAK) et la médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP). La « diapositive » en couleur avant l’invention de l’autochrome Au XIXe siècle, les recherches sur la reproduction des couleurs s’effectuent dans deux directions : fixation directe par voie chimique ou physique (chromophotographie) ou reconstitution par synthèse additive des trois couleurs primaires[1]. C’est cette dernière qui va donner lieu aux développements les plus prometteurs. Les précurseurs sont Maxwell et Sutton qui, en 1861, réalisent la première vue en couleur en prenant sous le même angle trois clichés sur plaque de verre d’un morceau de tissu écossais, avec trois filtres…
Entre 1914 et 1918, on assiste à une explosion de la production cartographique. Aujourd’hui, environ 14000 cartes concernant la Première Guerre mondiale, dressées par le Service géographique de l’armée, sont conservées au Service historique de la Défense. Les cartes restent une source mal connue alors qu’elles peuvent s’avérer très utiles pour les chercheurs et certains professionnels. Le projet « Explorer les cartes de la Première Guerre mondiale» en constitue un exemple remarquable. Avant de vous de le présenter, prenons le temps de découvrir cette source. Extrait du canevas de tir « Péronne » du 20 novembre 1916 (échelle 1/10 000e). En rouge, les positions alliées ; en bleu, les positions allemandes. © Coll. Historial de la Grande Guerre. ** Quelles cartes ? Pendant la Première Guerre mondiale, la géographie est omniprésente dans les armées, comme l’a très bien exposé Philippe Boulanger dans son livre La géographie militaire française (1871-1939). Pour faire la guerre, les armées ont besoin de cartes. Avant 1914, la fabrication et la diffusion des cartes militaires incombent au Service géographique de l’armée. Avec la guerre de position, le Service intègre dans ses activités de nouveaux champs tels que la géologie, l’hydrologie, la résistance des sols et des roches, grâce notamment à…
Récemment, les Archives nationales ont mis en ligne un nouvel instrument de recherche concernant l’état civil des régiments, hôpitaux militaires et ambulances de la Première Guerre mondiale. C’est l’occasion pour nous d’évoquer cette source méconnue. Ci-contre : acte de décès du lieutenant Charles Péguy [Archives nationales] ** L’état civil dans les armées Très tôt, la loi a prévu que des officiers d’état civil spéciaux puissent remplir les missions d’état civil habituellement dévolues aux maires pour les militaires se trouvant en France et hors de France, en temps de guerre ou dans certaines circonstances analogues au temps de guerre (état de siège par exemple). Ainsi, à partir de la fin du XVIIIe siècle, les armées assurent la tenue de l’état civil, c’est-à-dire les actes de naissance, mariage et décès ainsi que la légitimation, la reconnaissance, l’adoption, le divorce, l’interdiction, l’émancipation, la déclaration d’absence et la disparition. Ces archives sont aujourd’hui conservées au Service historique de la Défense dans les sous-séries Xz (état-civil de 1793 à 1900) et Ya (hôpitaux militaires et état civil). La tenue des registres d’état civil Dès la déclaration de la guerre en 1914, les dispositions du temps de paix s’appliquent. Elles prévoient que les actes d’état civil…
Les 10 et 11 avril, la mission du Centenaire a organisé les Rencontres du Web 14-18 à la Gaîté Lyrique à Paris. A cette occasion, nous sommes intervenus pour introduire la journée du 11 avril consacrée aux sources numérisées et à leur exploitation. Nous publions ici le texte de notre communication. Nous avons cherché à brosser un tableau synthétique des sources en ligne et des descriptions de sources, autrement dit des instruments de recherche, parce que la mise en ligne de sources n’a de sens que si elles sont interrogeables, ce qui suppose un long travail préalable de description et d’indexation par des professionnels, que les utilisateurs gagnent à comprendre. Ce tableau est loin d’être exhaustif. Tout part de notre blog… Depuis 2012, nous écrivons ce blog, que nous alimentons au gré de nos rencontres, de nos découvertes et de nos sujets de recherche. Ce blog, nous l’avons créé pour plusieurs raisons. D’abord nous voulions mettre nos deux expériences d’enseignant-chercheur et de conservatrice du patrimoine au service de notre intérêt commun pour les sources de la Grande Guerre. La forme du blog, tout en nous offrant un outil de travail, permet une libre expression et des possibilités de partage et…
Publication de l’Association vosgienne des anciens combattants de l’armée d’Orient (mars 1929) [Gallica] La semaine dernière, Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des Anciens Combattants et de la mémoire auprès du ministère de la Défense, s’est rendu en Grèce, en Macédoine, en Serbie et en Roumanie, pour commémorer le centenaire du début des opérations militaires sur le front d’Orient. On peut suivre ce voyage mémoriel et commémoratif sur le carnet de voyage de Stéphanie Trouillard, journaliste à France24. A cette occasion, nous nous sommes intéressés aux sources permettant de partir sur les traces des poilus d’Orient. Environ 80 000 hommes ont débarqué aux Dardanelles en 1915 et 400 000 autres ont combattu dans les Balkans de 1915 à 1920. A première vue, la recherche d’informations paraît compliquée. Peu d’études et de monographies ont été consacrées à ce front par les historiens. De plus, l’éloignement des champs de bataille et des lieux de mémoire, l’éparpillement des sources en France, l’absence d’archives en Macédoine (ce qui ne semble pas être le cas en Bulgarie) et la barrière de la langue quand les recherches se déplacent dans les Balkans compliquent plus encore les recherches. Pourtant, comme nous l’avons déjà montré en présentant notamment…
Certes il pèsera lourd dans la hotte du Père Noël, mais pour qui s’intéresse à la recherche et aux archives sur l’histoire de la Première Guerre mondiale, c’est un ouvrage incontournable qui vient d’être publié aux Presses universitaires de Rennes. Pour réaliser ce manuel de recherche sur la Grande Guerre, le Service interministériel des archives de France (ministère de la Culture et de la Communication), en partenariat avec les ministères de la Défense et des Affaires étrangères, a réuni 80 contributeurs, universitaires et archivistes (voir ici la table des matières). L’objectif affiché est de « replacer les archives au cœur du processus d’élaboration de l’histoire de la Grande Guerre« . Nous sommes très heureux d’avoir contribué modestement à ce projet. Coraline Coutant et Mathieu Stoll, qui ont dirigé cette publication avec Philippe Nivet, ont accepté de répondre à nos questions. Pourquoi le Service interministériel des Archives de France a-t-il décidé de lancer ce projet éditorial en 2012 ? C’est même dès la fin de l’année 2011 que le Service interministériel des Archives de France a entamé la préparation du centenaire de la Grande Guerre. Le souci de mettre les sources archivistiques au cœur de la commémoration et de les rendre accessibles au public…